Retour sur les grandes thématiques qui ont traversé la passionnante 74e édition du Festival de Cannes.
Oui, le 74e Festival de Cannes était peuplé de fantômes. Ceux des films labellisés 2020 de la non-édition de l’an passé, d’abord ; celui de Léa Seydoux, ensuite, partout dans les films, mais sur aucun tapis rouge. Victime du Covid, elle aussi. Dans les films également, les fantômes étaient nombreux. Celui de la compagne pourtant morte que le marin Jakob Störr croit voir dans les rues de Paris, à la fin de L’Histoire de ma femme d’Ildikö Enyedi. La présence fantomatique d’un fils qu’on croyait mort, depuis trop longtemps disparu, dans Titane. L’ombre d’Ingmar Bergman, presque envahissant dans le calme de Fårö, la Bergman Island immortalisée par Mia Hansen–Løve. Ou encore, évidemment, celui d’Annette, lorsque le spectre gothique de Marion Cotillard vient hanter et punir le personnage d’Adam Driver.
Mais les meilleurs fantômes du Festival de Cannes n’étaient pas en compétition officielle. Pas même en Séance Spéciale. C’est à Cannes Classics qu’ils « vinrent à notre rencontre ». André Bonzel, le coréalisateur de C’est arrivé près de chez vous, y présentait son nouveau projet, un documentaire composé exclusivement de films de famille, qu’il collectionne : de la sienne, mais aussi de beaucoup d’inconnues, datant des origines du cinématographe jusqu’aux années 1970. À travers ces images, qu’il commente en voix off, le long d’une histoire jouant avec l’autobiographie, André Bonzel refait vivre ces gens morts et oubliés depuis longtemps, éternels inconnus figés sur une bande de pellicule. Emprisonnés dans des moments heureux, qu’un oncle ou un cousin a eu la drôle d’idée de filmer. Et le pire, c’est qu’ils ne sont même pas figés pour l’éternité. Peu à peu, la pellicule se détériore, les images disparaissent. Dans un film de sa collection, les visages d’une famille, avec le temps, sont devenus tout blancs. On ne distingue plus ni les yeux ni les sourires. Rien que des ombres lumineuses dans des costumes hors d’âge et des robes à crinoline. De vrais fantômes de cinéma. André Bonzel le sait bien : si, en français, le titre de son film Et j’aime à la fureur est un clin d’œil à Baudelaire (« Et j’aime à la fureur les choses où le son se mêle à la lumière », issu du poème Les Bijoux), le titre international de ce long-métrage terriblement mélancolique, Flickering Ghosts of Loves Gone by (« les fantômes vacillants des amours passées ») est une évocation directe de ces spectres sur pellicule.
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