Cannes 2018 : Retour sur la Quinzaine des Réalisateurs
Appels à l’aventure, convocation des sens, émotion, relecture arty du Grand Guignol : la Quinzaine 2018, c’était ça et plus encore. Une cinquantième édition riche en surprises et en émotions : retour sur quelques temps forts de la sélection.
Émotion tout d’abord avec Carmen & Lola d’Arantxa Echevarria. En suivant l’histoire d’amour de deux jeunes gitanes espagnoles, la réalisatrice, qui signe ici son premier long-métrage, trouve le ton juste pour évoquer une romance naissante tout en décrivant avec chaleur, mais sans naïveté, une société qui vit en suivant des traditions très fortes. Restent quelques conventions scénaristiques qu’Echevarria saura sûrement dépasser pour son prochain film.
Ces conventions font que le Climax de Gaspar Noé sombre à mi-chemin dans le film d’horreur virtuose et éprouvant. Pourtant, le réalisateur d’Irréversible avait pris tellement de plaisir à filmer avec brio sa troupe de danseurs avant qu’elle ne soit prise d’une folie homicide qu’on aurait presque aimé qu’il se contente de capter pendant une heure et demie les corps en mouvement de ces jeunes gens ultra-doués. Comme un retour à la veine tripesque et peu narrative de son formidable Enter the Void.
Avec Les Confins du monde, son contemporain Guillaume Nicloux ne largue pas la narration, mais prend des chemins de traverse. Pour raconter le parcours du soldat Robert Tassen pendant la guerre d’Indochine, le cinéaste, sous l’influence du Coppola d’Apocalypse Now, ne s’intéresse pas tant à la guerre elle-même qu’au parcours initiatique d’un homme. Lourd, poisseux et onirique, son film fascine et nous offre une nouvelle facette d’un Gaspard Ulliel décidément surprenant.
Pierre Salvadori, lui, se promène en terrain connu avec En liberté ! : soit, un mélange de comédie (ici policière) et d’émotion dans une intrigue où abondent quiproquos et rebondissements. Le réalisateur des Apprentis confirme en outre son talent pour amener les comédiens là où on ne les attend pas. En policière veuve, qui apprend que son défunt mari était en fait un policier corrompu, Adèle Haenel livre une performance à la fois mélancolique et burlesque, à l’image de cette comédie toute en rupture de tons.
Plusieurs jours après sa projection, il reste plus difficile de se prononcer sur The Pluto Moment. Suivant le parcours d’un réalisateur en recherche d’inspiration, Zhang Ming signe un étrange film de coulisses, au déroulement souvent surprenant, où se mêlent notations politiques sur le fonctionnement du cinéma chinois et portraits d’artistes auxquels on a un peu de mal à s’attacher.
Mandy, second film de Panos Cosmatos, est plus facile d’accès… pour qui n’a pas trop froid aux yeux. Film de vengeance à l’atmosphère psychédélique, porté par un Nicolas Cage qui ne s’était probablement pas autant amusé depuis le Dog Eat Dog de Paul Schrader, Mandy est un festival de scènes où le gore outrancier le dispute à la comédie la plus noire. Revigorant, malgré un démarrage un peu longuet.
On change radicalement de registre avec Miraï, ma petite sœur de Mamoru Hosoda. Le réalisateur de Summer Wars y décrit les mille doutes et questions qui assaillent l’esprit d’un petit garçon à la naissance de sa sœur. Si les échappées oniriques qui marquent l’évolution du personnage peuvent apparaître un peu répétitives, c’est l’incroyable talent de ce subtil portraitiste du quotidien pour retranscrire en animation tous les petits riens de la vie d’une famille qui reste en mémoire.