DE BEAUX LENDEMAINS

Spécial réalité virtuelle

Impliqués depuis quelques années dans la productiob et la diffusion de prokjets en réalité virtuelle à 360°, les chaînes Arte et France Télévisions sont à la sources d’ambitieuses créations dans le secteur. Rencontre avec Kay Meseberg, coordinateur des projets 360 et VR d’Arte, et Voyelle Acker, directrice adjointe des nouvelles écritures et du transmédia pour France Télévisions.


Entretien avec Kay Meseberg – ARTE

 

DEPUIS COMBIEN DE TEMPS LA CHAÎNE ARTE S’INTÉRESSE-T-ELLE À LA PRODUCTION DE FILMS TOURNÉS EN RÉALITÉ VIRTUELLE ?

Depuis 2013, avec le projet Polar Sea 360°. C’est notre premier grand projet en 360°. C’était une idée éditoriale à la base, celle de sensibiliser le spectateur au changement de climat. En 2014, on a réussi à concevoir un prototype du projet pour les casques Oculus Rift. C’était un projet décliné de diverses façons : en dix épisodes pour la télévision, un 90 minutes pour l’antenne, pour approfondir le sujet, puis une application iOS et Android, un petit documentaire de 5 minutes pour l’Oculus Rift, et un documentaire en 360° de 35 minutes qui explique ce qu’est le changement climatique, où se mélange la vidéo en 360° et la vidéo traditionnelle.

QUELS SONT LES PROJETS EN COURS EN 360° CHEZ ARTE ?

Depuis le succès de Polar Sea, nous avons décidé de nous lancer dans d’autres projets en 360°. Nous avons créé ARTE360, un player web, une appli iOS et Android, une chaîne YouTube, etc. Et nous travaillons sur la création de contenus en 360°, sur des projets miroirs des programmes existants d’ARTE : la culture, les concerts, les documentaires… Nous travaillons, par exemple, sur un opéra à 360°, sur une vidéo qui propose de faire un tour dans le Mont-Blanc, une autre dans les montagnes de marbre d’Italie, une vidéo sur le bassin d’Arcachon. Donc des films plutôt documentaires. Nous allons aussi proposer un vol en ballon dans la stratosphère, c’est une expérience sensorielle. Et pour l’année prochaine, nous avons en ce moment en post-production un projet de court-métrage de fiction.

COMMENT PERCEVEZ-VOUS CETTE NOUVELLE FAÇON DE RACONTER DES HISTOIRES ?

Ce qui me fascine vraiment, c’est cette très vieille idée qu’est l’immersion totale et qui a toujours été la préoccupation des raconteurs d’histoires, autant du temps du théâtre grec, que de celui des frères Lumière, d’Eisenstein ou de Disney ! André Bazin avait écrit un essai sur le cinéma total qui, au fond, rejoint cette idée d’immersion. Les frères Lumière, quant à eux, ont construit le Photorama à 360° il y a plus de cent ans, pour l’exposition universelle de 1900 ! C’est vraiment une idée qui remonte à loin. Aujourd’hui, le développement technologique des casques de réalité virtuelle nous permet de nous rapprocher de ces fantasmes anciens.

COMMENT VOYEZ-VOUS L’AVENIR DE CE SECTEUR ?

Beaucoup disent que 2016 est l’année de la réalité virtuelle. Ça reste à voir, mais il y a des chances qu’il y ait une explosion de projets dans ce secteur. En cinéma aussi, Werner Herzog, Steven Spielberg, Spike Jonze s’y intéressent aussi, et ce sont de grands raconteurs d’histoires.

QUELS EST LE CONTENU EN 360° IDÉAL À VOS YEUX ?

Il faut que ça reste une expérience que je sente, vois, écoute. Dans un espace-temps bien défini. Par exemple, j’ai été voir en salle Jurassic World en 3D, mais ça restait un film à distance de moi, tandis que le court-métrage en 360° réalisé autour du film par Felix and Paul à Montréal, avec le dinosaure (voir notre entretien dans ce numéro, ndlr), est une expérience incroyable, extrêmement forte et bien faite.


Entretien avec Voyelle Acker – FRANCE TÉLÉVISIONS

EN QUOI CONSISTE VOTRE DÉPARTEMENT DIT DE « NOUVELLES ÉCRITURES » ?

Le département « nouvelles écritures » a été créé en 2011, avec deux grandes missions : d’une part, accompagner, prolonger et enrichir le travail des antennes sur des dispositifs transmédia autour de « marques antenne », de projets de fictions, de documentaires, de programmes jeunesse et de magazines, qui sont les quatre genres qui permettent des narrations transmédia, des prolongements d’histoires sur d’autres supports ; d’autre part, nous avions aussi pour objectif de développer de la création originale pour le web et les nouvelles plate-formes. 
En 4 ans et demi d’existence, nous avons lancé 129 projets, tous types et toutes formes confondus. Nous avons, en ce moment, une cinquantaine de projets en développement ou en production au sein de notre unité de programmes. L’essentiel de l’équipe est constituée de conseillers éditoriaux qui conçoivent ces projets non pas de façon linéaire pour l’antenne, mais de manière protéiforme, qui peuvent être interactifs, et qui s’adressent à des audiences un peu différentes de celles des audiences télé, plus jeunes, avec des usages connectés, mobiles et tablettes. Donc nous réfléchissons beaucoup à ces contenus-là, que ce soit en transmédia ou en recherche narrative, à savoir la pure création web, indépendante des antennes de France Télévisions.

COMMENT S’INSCRIVENT LES PROJETS VR EN 360° LÀ-DEDANS ?

À partir de là, depuis quelques années – et nous étions parmi les premiers à anticiper l’arrivée de la réalité virtuelle –, nous avons commencé à travailler des histoires, qui provenaient soit de chez nous, soit d’auteurs, de créateurs et réalisateurs qui avaient des idées. 
Nous avons deux projets essentiels, déjà bien avancés. L’un d’eux est un projet transmédia : il s’agit d’accompagner un film pour l’antenne de France Ô qui s’appelle Le Goût du risque, qui est un documentaire qui traite de l’adrénaline et du goût du sport extrême. Nous allons suivre cinq sportifs de haut niveau et le film va s’attacher à ces personnes qui poussent leurs limites très loin et qui prennent des risques fous pour atteindre leur objectif. À partir de là, nous proposons une expérience complémentaire de réalité virtuelle avec le casque, soit cinq expériences tournées en 360° dans des moments d’exploits de ces sportifs. Nous allons ainsi vous permettre de faire une descente en surf avec une championne de surf, de descendre en apnée avec Guillaume Néry ou de sauter en wingsuit. Il y aura une expérience au casque de ces cinq exploits sportifs, et une expérience adaptée à l’écran d’ordinateur, sur lequel vous pourrez vous balader au moyen de la souris, sur le site de France Ô.

 

the enemy - realite virtuelle

Le second projet est encore plus ambitieux. Il n’y a pas de support télé de prévu. C’est un projet qui s’intitule THE ENEMY et qui est arrivé chez nous suite à une rencontre entre Boris Razon, le directeur de l’unité nouvelles écritures, et Karim Ben Khelifa, dans le cadre d’un atelier au MIT. Karim avait ce projet un peu fou de raconter ce qu’est la notion d’ennemi dans les conflits et notamment les conflits immémoriaux, qui perdurent depuis plusieurs générations. L’idée était de décrire ce sentiment et de montrer comment il mène à des situations inextricables. L’idée de ce projet est de tourner dans huit zones de conflits dans le monde.

Il existe aujourd’hui un prototype du projet qui tourne dans les festivals, à Sundance, Tribeca, au Forum des images à Paris ou au festival Tous écrans à Genève (voir notre reportage dans ce numéro, ndlr). Ce projet fait parler de lui, car il a deux ans et demi d’avance en termes de technologie : vous êtes dans une pièce, debout, et non pas assis sur un fauteuil avec le casque sur la tête, comme dans la plupart des projets VR qui se font aujourd’hui. Là, l’expérience fonctionne avec des capteurs, vous êtes au milieu d’une pièce et vous allez vous retrouver entre deux opposants. Le prototype met en scène un soldat israélien face à un combattant du Hamas, vous allez de l’un à l’autre et chacun vous raconte qui il est.
Tout l’objet de cet épisode n’est, évidemment, pas de prendre parti, mais de vous faire prendre conscience que vous êtes face à deux êtres humains qui répondent finalement à la même motivation essentielle qui est de protéger leur famille. Ce projet est très ambitieux et a vocation à faire l’objet d’une installation dans les musées, les écoles ou les institutions. L’idée, à terme, serait même de l’amener sur les zones de conflits. Nous avons travaillé sur une coproduction internationale, car c’est un projet mondial. Nous sommes en coproduction avec l’Office National du Film au Canada, notamment. Là, une deuxième séquence a été tournée au Congo et l’équipe est repartie à Gaza. Ce projet demande une gestation très longue, un développement informatique très chronophage. Et il faut tourner, trouver les bonnes personnes sur place, car il s’agit d’un projet documentaire.

QU’EN EST-IL DU PROJET 360@ ?

C’est une série documentaire pour France 5 qui permet de suivre les pérégrinations de journalistes globe-trotters, qui voyagent à travers le monde dans des destinations spectaculaires et exotiques. Ils ont tourné un certain nombre des scènes en 360° et quand la scène arrive dans le film, vous avez une appli qui vous permet de vous promener dans le décor du film, de façon synchronisée sur un second écran. Par exemple, avec votre tablette ou votre portable en mode gyroscopique, vous allez pouvoir tourner autour de vous et découvrir le Grand Canyon. À l’occasion de ce projet-là, nous avons sorti la première chaîne France Télévisions YouTube 360.