Wadjda (formidable Waad Mohammed) est une petite fille impétueuse au regard profond, élevée par une mère abandonnée de son mari dans une banlieue de Riyadh, en Arabie Saoudite. Son innocence frondeuse dirige son regard vers un beau vélo vert dont la conduite est pourtant interdite aux femmes. L’enfant fomente son plan d’attaque, marchande avec ses copines, ruse, économise, rêve. Et s’inscrit au concours de récitation coranique organisé par son école pour remporter la somme d’argent offerte à la gagnante.
Haifaa Al-Mansour filme sa petite héroïne au cœur d’un espace en mutation où s’opèrent d’amples travaux urbains. Sur fond de chantiers graphiques, les corps des femmes camouflées se dérobent aux regards des hommes, circulent, se manifestent. Quelles sont belles, ces épouses esseulées, ces jeunes filles promises, ces enfants courageuses ! Haifaa Al-Mansour, toujours à juste distance de ses personnages, souligne leur féminité, laisse entrevoir leur souffrance, et déjoue le drame latent avec humour et délicatesse dans une mise en scène sobre et élégante. L’archaïque et le moderne ici cohabitent. Entre, se dessine le mouvement d’une société en proie avec elle-même. Celui qui anime et fait vibrer ce beau film (et le premier réalisé pour le cinéma dans ce pays) à mi-chemin entre la chronique et la fable, où l’énergie enfantine triomphe du poids considérable des traditions.