La vie rêvée de Walter Mitty
Walter Mitty pourrait être l’homme au chapeau melon de Magritte, qui tombe en pluie sur la ville, silhouette en manteau sombre démultipliée par dizaines, dans son tableau Golconde : c’est lui-aussi un homme de la poétisation des choses, de la présence de l’esprit, de la pensée imagée de l’invisible, qui fait la tentative de l’impossible. Walter Mitty, homme ordinaire et introverti, au quotidien morne et à la vie banale, ne cesse de s’absenter du réel qui l’ennuie : il part en échappées mentales et surréelles, pour entrer dans un monde où il est un autre. Il pourrait dire, comme Magritte, que « c’est une merveille que de voyager à travers le ciel et la terre ».
La Vie rêvée de Walter Mitty, d’après une nouvelle signée du caricaturiste James Thurber en 1941 (adaptée au cinéma par Norman Z. McLeod en 1947 dans La Vie secrète de Walter Mitty), commence comme un singulier voyage sous un crâne. On va et vient entre la vie difficile et les rêves excentrés de Walter Mitty, et Ben Stiller, pour sa cinquième réalisation, tournée sur pellicule, commence son film avec un grand brio surréaliste. Mais voilà que le réel le rattrape et dévore la fantaisie rêveuse, la poésie burlesque, le décalage onirique. Tandis que Walter Mitty part à l’aventure, à travers le monde, le film quitte sa vie rêvée et s’enhardit en road-movie drolatique, lissé par une certaine normalité comique. On ne saurait se ranger des rêves qu’avec regret.