Dans un noir et blanc splendide, l’Argentin Ariel Rotter (réalisateur en 2007 du magnifique El Otro) saisit un monde ancien, les années 60 à Buenos Aires et un personnage de femme (magnifique Erica Rivas) aux prises avec la douleur d’un deuil et le retour à la vie. Luisa est la mère de deux jumelles, son mari et son frère ont disparu dans un accident de voiture. Vivant dans un appartement luxueux avec nounou pour les enfants, elle est désormais sans ressources car son avocat de mari n’a laissé que des dettes. Faisant face au chagrin et à la solitude, Luisa rencontre bientôt un homme séduisant qui fait assaut de cadeaux et de moments romantiques et la demande en mariage. Tout le monde autour d’elle l’exhorte à « refaire sa vie ». Cet amour, pourtant, a quelque chose d’étouffant… À bas bruit, sans explications ni discours, mais avec une pertinence des cadres qui fait sourdre un danger imminent, et l’interprétation subtilement ambiguë de Marcelo Subiotto, Un homme charmant fait état de la réalité d’un malheur à métaboliser au plus vite pour rester à hauteur de sa classe sociale. La disparition de l’homme aimé fait écho à d’autres disparitions perpétrées par la junte militaire qui ont émaillé l’histoire de l’Argentine de cette époque, la négation de cette disparition par son « remplaçant » potentiel révèle la violence d’une société qui parfois a fermé les yeux. Ce film puissant et effrayant est constamment passionnant et touche à l’universel. À voir absolument.