Révélé à Cannes hors compétition en 2008 avec le terrifiant The Chaser, revenu à Un Certain Regard en 2011 avec le nerveux The Murderer, le brillant Na Hong-jin a retrouvé la Croisette en hors compét’ officielle en mai pour son troisième film. Un mystère insondable cette fois en plein village montagnard. Le cinéaste sud-coréen est un roi de l’effroi. Il fait flipper tout en injectant du burlesque. Un savant mélange chaud-froid casse-gueule. Le policier Jong-gu passe ainsi d’une gaucherie initiale à la lisière du ridicule, à une adhésion progressive à la tension dramatique. Avec comme terreau souterrain, le fil de l’Histoire. Avant sa scission entre Nord et Sud en 1953, la Corée fut un protectorat colonisé par le Japon. Ici, la menace débouche sans cesse sur le personnage de l’Étranger au visage nippon – excellent Kunimura Jun. Grosse production, ce projet a nécessité deux ans et huit mois d’écriture, six mois de tournage et un an de postproduction. Hong-jin est un ultra-perfectionniste. Chaque détail retient toute son attention et son approbation, au service ici de la contamination du mal et de la mort violente. Chamanisme, messe noire, sorcellerie gagnent subrepticement l’action, l’univers, l’écran, grâce à de puissants mouvements de caméra qui allient lenteur et fatalisme, et annoncent la malédiction. Croire ou ne pas croire en la gangrène fatale, qui coule telle une lave enveloppante. The Strangers est une orchestration impressionnante, dont l’étrangeté obsède.