The Grandmaster
L’art martial est un combat, l’art martial est une danse. Une dialectique de violence et de suspension, de fulgurance et de grâce, de rigueur et de souplesse. Dans l’hommage que Wong Kar-Wai rend au kung-fu, à la mémoire de l’une de ses figures, Ip Man, maître de Bruce Lee, cette danse de combat se sublime avec une extraordinaire puissance de trouble. Les corps-à-corps ritualisés sont des ballets complexes et fluides, d’affrontements et d’évitements, de parades et de feintes, d’assauts et d’esquives, de gestuelles sophistiquées et de coups francs. The Grandmaster excède de tension et de désir superbes, à travers ce destin hors du commun (qui d’autre que Tony Leung pour l’incarner ?), qui court depuis le chaos de la Chine des années 1930, dans la République en guerre après la chute de la dernière dynastie impériale, jusqu’au nouveau monde de Hong-Kong dans les années 1950. C’est un grand film accompli du cinéaste hongkongais. Posé sur les cendres du temps, il enregistre un art, une tradition et un savoir, exalte le sacrifice, le renoncement et l’honneur, tourne autour de la trahison, de la perte et des regrets. Dans la spirale de son récit, un bel amour impossible s’enroule ; sur l’inachèvement des sentiments s’abandonne un chef-d’œuvre élégiaque. Longtemps après, sa tristesse magnifique repose dans notre mémoire.