Robert sans Robert
Monteur quasi attitré de Robert Guédiguian, Bernard Sasia coréalise, avec l’actrice Clémentine Yelnik, un curieux documentaire sur le rapport que peut entretenir un monteur avec l’œuvre d’un réalisateur. Curieux, car, dans ce film de 90 minutes, Sasia – qui assure le commentaire – télescope des personnages bien typés (toujours incarnés par les acteurs-amis du cinéaste, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin, Ariane Ascaride, son épouse), des espaces privilégiés (le quartier natal de Guédiguian, L’Estaque, à Marseille), des lieux très fréquentés (les cafés), des situations douloureuses (amours idéalisées), des couleurs récurrentes (les bleus de travail, le bleu du ciel), et semble s’approprier l’iconographie très personnelle du cinéaste. Mais, après avoir remonté ainsi, à sa guise, dix-sept des dix-huit films de Guédiguian, Sasia met soudain fin à l’expérience et rend son bien intact au créateur.
Étrange procédé qui a surtout permis au spectateur de mieux percevoir la thématique et l’esthétique de ce cinéaste talentueux et chaleureux. Le film s’achève par un autre beau geste, digne de la philosophie humaniste de l’auteur des Neiges du Kilimandjaro : le générique, sur fond de Marseille, présente la liste exhaustive de tous les participants aux tournages de l’ensemble des films de Guédiguian, depuis le tout premier, Dernier Été, en 1980. Un finale bien ancré A la place du cœur.