Quai d'Orsay
Il faut le savoir et l’oublier : l’ancien ministre des affaires d’étrangères Dominique de Villepin a inspiré le personnage d’Alexandre Taillard de Worms, héros de Quai d’Orsay, bande-dessinée d’Abel Lanzac et Christophe Blain (éditions Dargaud). La BD et l’adaptation qu’en fait au cinéma Bertrand Tavernier, cosignataire du scénario avec les deux auteurs, ne sont pas le décalque de l’homme politique réel ; on ne se soucie guère, au fond, de sa vérité. Le livre et le film s’en emparent et l’autonomisent en personnage d’idéale fiction, presque de cartoon à force d’exagération du trait. Quai d’Orsay est une formidable et intelligente transfiguration du réel de la politique : en case, sur écran, se met en mouvement à la fois une comédie sur le pouvoir et ses jeux, une chronique exacte de la vie en cabinet ministériel, un documentaire sur la construction et déconstruction de la rhétorique politique, un récit initiatique au cœur de la diplomatie. Un enchâssement fluide ordonne ces trajectoires du film qui avance à toute vitesse, scandé par les pensées du philosophe grec Héraclite. Ce jouissif Quai d’Orsay enlève avec forme son sujet et expose formidablement ses acteurs. La politique et la comédie font converger leur langage : Thierry Lhermitte, Raphaël Personnaz et Niels Arestrup (extraordinaire) prennent langue avec verve.