Post Tenebras Lux
Il aura fallu presque un an pour que le public découvre enfin le mystérieux film de Carlos Reygadas, dont l’accueil au dernier Festival de Cannes fut pour le moins houleux. C’est qu’il fallait bien connaître le cinéaste pour comprendre que l’œuvre – notamment toutes les scènes familiales, dans lesquelles jouent les propres enfants du réalisateur – contient une large part autobiographique. Néanmoins, ce film sans logique apparente demeure difficilement appréhendable. Rompant avec les scénarios très linéaires de ses précédentes œuvres, le réalisateur de Lumière silencieuse déconstruit son récit et désoriente constamment son spectateur, en mélangeant chronique familiale, intrigue criminelle et images littéralement fantastiques. Il s’éloigne ainsi d’un naturalisme mystique, qui le rapprochait de Bruno Dumont, pour explorer une voie plus onirique et expérimentale. De son introduction, où un orage déchire le ciel de la campagne argentine, aux apparitions d’un diable énigmatique, le résultat est d’une sidérante beauté : abandonnant le Cinémascope pour un format carré, plus proche du cinéma classique, le cinéaste compose des images saisissantes qui hantent le spectateur longtemps après leur vision.