Luigi, patron d’un théâtre et chef de troupe, a une nuit pour régler tous ses problèmes. Et il en a. Portrait loufoque d’un homme aimable et détestable, charmant et désarmant, dans Paris, la nuit. Bizarre, bizarre. Édouard Baer, vous avez dit Édouard Baer ?
Il marche, il court, il virevolte. Dans les rues de Paris, des couloirs de son théâtre à un plateau de cinéma, dans des bars de quartier où il connaît tout le monde, et si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave : il fait connaissance. Avec, à ses basques, une jeune raisonneuse étudiante en Sciences Po qui fait un stage chez lui, cet irrationnel se démène comme un beau diable. Lui, c’est Luigi, grand enfant joyeux, inconscient et irresponsable, séduisant séducteur et inlassable fanfaron, directeur de théâtre à la veille d’une première, qui doit trouver de l’argent pour payer sa troupe, dégoter un singe vivant qui joue dans le spectacle, apaiser son metteur en scène japonais et irascible, ménager sa vedette (Galabru, touchant et tonitruant dans son dernier rôle), régler quelques comptes et éviter quelques baffes, et surtout rester le chef et l’ami d’hommes et de femmes qui l’aiment et qu’il épuise. Luigi, c’est Édouard Baer, tornade d’énergie, qui confère à son personnage toute sa puissance comique, son énergie ravageuse et sa mauvaise foi agaçante. Il est génial, il est la vie même.
Après deux films très barrés derrière la caméra (La Bostella, 2000, et Akoibon, 2005), Édouard Baer reprend la caméra avec un scénario formidable coécrit avec Benoît Graffin, un genre de road-movie nocturne et parisien, qui mêle la quête d’un homme intranquille et le regard (juste et cruel) sur le monde du spectacle. Bavard et mouvementé, le script est servi par une mise en scène épatante, une belle lumière (signée Yves Angelo) et un dynamisme constant. La troupe d’acteurs – Sabrina Ouazani, Audrey Tautou, Christophe Meynet, Jean-Michel Lahmi, Grégory Gadebois… il faudrait les citer tous – est investie et chacun apporte sa singularité à cet univers tonitruant, où l’art et la vie se mêlent en un capharnaüm emballant. C’est drôle souvent, surréaliste parfois, on est constamment surpris. Et étonné d’aimer passionnément cet oxymore sur pattes, cet homme insupportable et adorable à la fois.