Nos héros sont morts ce soir
Paris, 1963. Simon gagne sa vie comme catcheur sous le masque blanc du spectre. Il présente à ses employeurs son pote Victor, de retour de la guerre d’Algérie, qui devient, sous le masque noir, l’« équarisseur de Belleville ». Mais match après match, nuit après nuit, cauchemar après cauchemar, Victor ne supporte plus d’être « dans la peau du sale type ». Les deux amis échangent leurs rôles, et ça dérape… Hommage aux catcheurs anonymes qui incarnaient les peurs et les rancœurs, voire les haines politiques (une interview télévisée d’époque atteste de cette incroyable fonction), déclaration d’amour au cinéma populaire des années 1950-60 avec hommes à gouaille, patronne de bar généreuse fumant cigarillos, amoureuse zazou romantique et délurée, et noir et blanc lumineux, ce premier long-métrage en forme d’OVNI est original, sans ostentation et profond sans en avoir l’air. Dans Nos héros sont morts ce soir, tout le monde (ou presque) porte un masque : des blessures d’amour se cachent derrière les yeux rieurs de Jeanne (Constance Dollé), un sadisme échevelé est planqué sous le ton doucereux du Finlandais (Pascal Demolon) et que dire du cœur de ce client du bar au visage patibulaire qui, de la marmite bouillante, a sauvé la vie d’un crabe ? Jean-Pierre Martins (Marcel Cerdans dans La Môme) et Denis Ménochet (Dans la maison, Grand Central), la plus belle révélation masculine du cinéma français de ces dernières années, sont des titans aux pieds d’argile, des gamins dans des corps d’ogres. Et des gueules d’atmosphère.