Yves

Vraiment givré ?

Avec Yves, Benoît Forgeard (Réussir sa vie, Gaz de France) signe une comédie instable, dans laquelle un frigo intelligent se fait le rival d’un jeune rappeur sans génie. Une demi-satire de notre monde 2.0 qui peine à faire mouche.

À l’heure où les enceintes connectées envahissent les foyers et se font le symptôme parlant d’une société aux portes de l’aliénation généralisée, le rusé Benoît Forgeard, auteur, par ailleurs, d’hilarantes chroniques d’anticipation dans le magazine So Film, imagine un monde dont les objets de la vie quotidienne prendraient le pouvoir. Soit Yves, un frigo à la voix de Victor Hugo jeune (l’idée est drôle !), qui élit domicile chez Jérem, rappeur dont la fainéantise a atteint l’Everest. Dans la maison de feu sa grand-mère, où tout sent la naphtaline, cet engin très high-tech va s’avérer indispensable en jouant une partition à mi-chemin entre servilité et coaching, avant de mettre la vie de Jérem sens dessus dessous.

Autour de l’intelligence artificielle, les fantasmes qu’elle induit et ses effets ambivalents, il y avait là un argument de comédie réjouissant. Après I Love You de Marco Ferreri, dans lequel Christophe Lambert tombait amoureux d’un porte-clefs ou Her de Spike Jonze, qui nouait une relation sentimentale entre un homme et une voix artificielle, Yves aurait pu proposer une alternative au conte moderne mélancolique et porter le potentiel burlesque de son sujet à son paroxysme. Or, si ce récit se suit sans déplaisir, du fait notamment du capital sympathie des comédiens – William Lebghil, Doria Tillier et Philippe Katerine, qui optent tous pour un jeu en mode mineur de bon aloi ici -, son écriture et ses dialogues semblent, par endroits, paresseux. Par conséquent, la tonalité générale se situe dans un entre-deux constant. Ni franche comédie, ni satire contemporaine, ni conte métaphysique. Où sommes-nous au juste et pourquoi éprouve-t-on le sentiment d’être en lisière de ce qui se joue à l’écran ? Davantage de mordant, de loufoquerie ou de franche absurdité aurait peut-être procuré du relief à cette histoire, qui finit par lorgner du côté de la comédie sentimentale sans grande conviction.

Restent quelques séquences réjouissantes, comme celles du concours de l’Eurovision qui prend des reflets cartoonesques bienvenus.