À la mémoire de leurs pères, Omar Sy et le réalisateur Philippe Godeau cherchent leurs racines en Afrique. Un conte simple, à la touchante humilité, dans lequel l’acteur apparaît d’une absolue sobriété.
Omar Sy, c’est lui. C’est peut-être la première fois qu’on le voit comme ça. Comme s’il ne jouait pas. Comme s’il avait cessé d’être un personnage, non seulement celui du film, mais celui que la notoriété lui a prêté. L’image du grand gars qui vanne, façon SAV sur Canal Plus, sa série télé quand il amusait par des clowneries avec Fred Testot, de 2005 à 2012. L’image du grand gars qui vanne et qui danse, comme dans Intouchables (2011) de Toledano et Nakache, ce rôle qui lui a valu le César du meilleur acteur. Il est sympa, Omar Sy, il se marre, il est affable, il est au top des classements de personnalités préférées des Français.
Bien sûr, il a eu des rôles sérieux, même en clown Chocolat (2016). Roschdy Zem y parlait de la condition de l’artiste de couleur : Chocolat, ancien esclave affranchi venu de Cuba, avait été le premier artiste noir de la scène française dans le Paris de la Belle Époque ; Rafael Padilla, de son vrai nom, a depuis été oublié. Omar Sy en jouant Chocolat, amuseur au destin tragique, pouvait défendre l’idée nécessaire de plus de diversité, ce grand souci contemporain du cinéma. La discrimination, l’exclusion, l’altérité : ce que racontait le film l’avait touché, lui, le fils d’immigré africain qui a grandi à Trappes, dans les Yvelines.
« Chocolat, c’est moi », avait dit Omar Sy. Soit un artiste qui veut exister autrement, arracher l’étiquette qu’on lui a collée. Mais être lui ? Omar Sy n’aura jamais été aussi proche de lui-même que dans Yao, un autoportrait en forme de conte naïf, qui l’engage intimement, mais aussi financièrement – il est le producteur de ce récit personnel réalisé par Philippe Godeau.
Dans Yao, un acteur français célèbre revient au Sénégal, sur la terre de ses ancêtres. Il croise la route d’un petit garçon qui en a fait son héros. Ensemble, ils font un bout de chemin à travers le Sénégal. C’est ici le pays du père d’Omar Sy, son histoire enracinée. À l’écran, ça se voit : Omar Sy paraît avoir les yeux de l’enfant du pays qui l’accompagne (Lionel Louis Basse) et voit en lui une figure de père. La grande carcasse de l’acteur a quelque chose de penché, haute silhouette à l’épaisseur fragile, comme s’il se recueillait sur un tombeau familial. Il n’y a plus d’artifice dans son jeu, que sa vérité personnelle, ses émotions propres. Il est sérieux, grave, très ému. Ce film est un film d’homme, un film de vie, un film sans doute imparfait, pas du grand cinéma, mais d’une sincérité touchante. Omar Sy, c’est lui et il ne ment plus.