Marion Laine retrouve Sandrine Bonnaire après Un cœur simple d’après Flaubert. Changement d’époque et de décor. Réalisme et romanesque contemporain autour d’une maternité.
Le cœur domine le parcours de la réalisatrice Marion Laine. Le sentiment, l’organe, la pulsation, l’élan vital. Il trône même dans les titres de ses deux premiers longs-métrages, Un cœur simple et À cœur ouvert. Ici, le battement du palpitant ouvre et clôt le film. Ce terreau commun souligne l’obsession de l’auteure : décrire ce qui anime les êtres. En adaptant le livre autobiographique de Julie Bonnie, Chambre 2, avec cette dernière et avec Laura Piani, elle construit une fiction autour de la naissance et de la renaissance. C’est tout l’enjeu d’une maternité, avec son aéropage de métiers, de petites mains, de grands gestes, et de femmes. Cette fresque modeste est centrée sur la protagoniste-pivot Jeanne. Une auxiliaire puéricultrice qui a trouvé sa vocation, après une première existence qui va lui revenir comme un ressac. Et c’est Sandrine Bonnaire qui lui donne corps et âme.
Le résultat est une œuvre pudique et profonde sur le féminin, sur la transmission, sur la sororité. Belle idée de décrire ce monde organique et complexe, baigné d’eau, de liquide amiotique, de prégnance de la lune, à proximité de la mer, de la Méditerranée jusqu’à l’Atlantique, de Marseille jusqu’à la Charente-Maritime. À travers aussi le lien puissant entre une mère et sa fille, l’une ex chanteuse d’un groupe nommé The Jellyfish (Les Méduses), l’autre jeune plongeuse en apnée qui veut sauver les océans. L’énergie circule, abonde, déborde, entre tempêtes et accalmies. Car l’intime est mis à l’épreuve chez chaque caractère, confronté au doute, à la crise, au secret, et à la souffrance de l’individu, parfois broyé dans l’exploitation du collectif. Mais la revendication et l’entraide veillent au grain, quand le milieu de la santé est en manque de moyens et de reconnaissance.
C’est d’ailleurs dans l’enceinte hospitalière que la cinéaste convainc. Structure qui l’a marquée, pour y avoir effectué un boulot d’été. Et pour y avoir plus tard planté le décor d’À cœur ouvert. Le plan séquence inaugural plonge en pleine réalité de l’accueil et de la prise en charge des urgences de la maternité. Une mise en place qui permet parallèlement de présenter les forces en jeu et les personnages-clé. La tension, le réalisme priment, tout comme la force émotionnelle, quand Sylvie (épatante Aure Atika) se confesse plus tard à une jeune mère dans le coma, où que la benjamine se fond dans sa mission (excellente Kenza Fortas). Quand la narration visite le passé de l’héroïne et les reflux de la formation rock, c’est plus fabriqué, hormis la scène de concert où les deux visages de Norma se télescopent. Mais Voir le jour s’avère un témoignage inspiré sur un constat sociétal et humain, porté par les images granuleuses de Brice Pancot et par un casting au poil.