Vierges

La légende de ces sirènes que l’on nomme « les vierges de la mer »

Quand le désœuvrement transforme les espoirs résiduels en chants de sirènes, un vent de liberté souffle enfin sur la plage désertée où une adolescente rebelle et ses potes traînent leur mal de vivre.

Lana habite une petite ville balnéaire d’Israël, investie par l’immigration russe amorcée il y a plus de trente ans. Ayant cumulé seize années de morne plage, l’adolescente rêve de Tel-Aviv pour vivre enfin quelque chose de palpitant. Il ne se passe plus rien à Kyriat-Yam, au grand désespoir de tous et du maire, qui s’occupe tant bien que mal avec la patronne du bar désaffecté.

L’ennui de Lana, de sa mère et de la population locale est tel, face à ce calme plat, qu’ils en viendraient presque à regretter l’animation créée par les vagues d’attentats… Tous souffrent de mélancolie, ce mal de vivre caractéristique de ceux qui ressentent que seul l’amour a le pouvoir de guérir de tous les maux.

Cette morosité va enfin être bouleversée par le débarquement improbable de Chipi, journaliste au quotidien Haaretz, qui cherche lui aussi quelque chose à se mettre sous la dent. Incarné par Michael Aloni, l’un des plus beaux visages du cinéma israélien (héros de la célèbre série Stissel et présentateur de The Voice Israël), Chipi va trouver de quoi faire vibrer ses lecteurs et perturber la léthargie de Kyriat-Yam.

Vierges de Keren Ben Rafael. Copyright Pyramide Distribution.

Le séduisant Chipi ne rencontre (presque) aucune difficulté à faire baisser la garde de Lana. L’adolescente rebelle accepte même de lui livrer le secret des légendes locales à propos des sirènes que des pêcheurs auraient croisées. Avec sa moue irrésistible et sa fougue de garçon manqué, Lana a quelque chose de Charlotte Gainsbourg dans La Petite Voleuse. Elle provoque littéralement le journaliste alors qu’elle évoque les sirènes, l’idée au cœur de ce film, qui se dit « Betouloth Yam » en hébreu : les vierges de la mer… Il est beaucoup question de virginité et de premières fois dans la bouche de Lana, de celle de sa cousine orpheline ou de celle de sa mère.

Le ressac ramène des souvenirs d’étreintes de jeunesse sur la plage désaffectée, et les vagues appellent l’amour comme le chant des « sirenoth ». La métaphore est belle, elle transcende le réel pour fabriquer un peu d’espoir, mais l’insistance à souligner la façon dont les symboles opèrent finit par accentuer la faiblesse du propos et l’intensité qui manque à ces personnages pourtant pleins de charme.

Eve Lefrançois