Un ouvrier se retrouve au chômage pour cause de délocalisation. Un autre le remplace, là-bas au Maroc. Ils ne se rencontrent pas, mais leurs vies parallèles disent tout d’eux-mêmes et du monde.
Une vie passée à découper du cuir à l’emporte-pièce, ça vaut bien une trêve. C’est ce que semble se dire Hervé lorsque ses patrons lui proposent une prime de licenciement s’il accepte de partir illico. Ses camarades tentent de faire bloc, paralyser la production et refuser les négociations, pour sauver leur usine de chaussures du Nord de la France de la délocalisation promise, en Tunisie. Lui cède. Ni mauvais bougre ni mauvais camarade. Mais l’histoire est déjà écrite, rien n’arrêtera les décideurs, et puis Hervé a une famille, un rêve de bateau, et la prime lui permettrait de se recycler en pêcheur…
A 2000 km de là, Foued le remplace, pour gagner de quoi continuer à soigner sa mère à domicile, et se rapprocher de KK qu’il aime en secret. Autre continent autres contraintes, A Wimereux, Hervé, passé le premier emballement, se heurte à la bureaucratie et se noie dans la paperasserie nécessaire à sa reconversion, il finit par choisir l’illégalité et vend à des voisines et amies le poisson qu’il pêche avec son fils Vincent. A Hammam Lif, ville côtière de la banlieue de Tunis, Foued , tandis que ses copains passent leur vie au café, se heurte aux petits chefs, aux promesses non tenues et à la déception amoureuse.
Le film installe un rythme pendulaire entre les deux pays et les deux personnages. Parfois limpide : le cargo comportant les machines de l’usine traverse la Méditerranée, plus tard un autre repart dans l’autre sens avec les chaussures réimportées. Parfois volontariste : lorsque Hervé et Véronique s’offrent des vacances de luxe à prix bradé dans un hôtel tunisien…
Même si Vent du Nord se perd un peu en route, hésitant entre le drame et la comédie, il donne la parole à des personnages simples et beaux, habités par des acteurs épatants. Philippe Rebbot, Kacey Mottet Klein et Corinne Masiero forment une famille totalement crédible dans ses joies et ses angoisses ; Mohamed Amine Hamzaoui porte en lui un désarroi joyeux qui enrichit Foued, quelque peu sacrifié à l’écriture.
Des raisons privées à la mondialisation, de la crise sans fin au système D, de la solitude à la fraternité, tout ce que raconte ce premier long métrage fait sens dans notre monde et notre cœur.