Présenté hors compétition au festival de Cannes 2017, Une prière avant l’aube de Jean-Stéphane Sauvaire est un uppercut cinglant basé sur l’histoire vraie de Billy Moore, jeune boxeur anglais emprisonné dans les limbes d’une prison thaïlandaise, qui met le spectateur KO.
Les premiers instants d’Une prière avant l’aube de Jean-Stéphane Sauvaire ont indéniablement des relents de Midnight Express d’Alan Parker : le spectateur qui, par les qualités immersives de la caméra à l’épaule ne fait qu’un avec Billy, est vite mis au parfum des conséquences sordides d’une arrestation pour détention de drogue dans un pays loin de rigoler avec ce type de forfait. En guise d’apéritif costaud, ne cachant rien de la réalité carcérale thaïlandaise sauvage et surpeuplée, Sauvaire propose une formule de rattrapage, un condensé d’humiliations et de violences – interdites aux moins de 16 ans – administrées par les prisonniers locaux, des dragons noirs criminels tatoués des pieds à la tête. Si Billy le blanc bec est accueilli à grands coups de pieds dans le bide, évitant le viol de justesse (contrairement à un camarade, qui ne s’en relèvera pas), nous voilà prévenus : âmes sensibles, tenez bon ou passez votre chemin.
En bon disciple de Gaspar Noé avec lequel a travaillé par le passé, Sauvaire poursuit sans atermoiement l’acte premier de son exposition, ne nous épargnant aucun détail ni répétitions crasses dans cet enfer lourd et bien réel. Tandis que Billy n’est ni en état, ni capable de bredouiller un mot d’une langue qui lui est par ailleurs totalement inconnue, le film, déjà peu bavard, prend soudainement un virage où il déploie ses ailes, nous entraînant sur la piste d’une issue et d’un nouveau langage : la boxe thaïlandaise, avec son cortège de particularismes et de chorégraphies, est la pratique que certain détenus choisissent dans la prison pour s’en sortir, motivés par le meilleur traitement qu’elle réserve aux plus performants. Elle devient ainsi le centre d’intérêt principal de Billy qui y excelle, le réalisateur se consacrant dès lors à filmer son protagoniste d’encore plus près dans des corps à corps haletants, pour le meilleur du spectacle. Si une grande force, voire même une certaine beauté, émerge de ces rixes sanglantes, elles permettent aussi l’expression d’une mixité d’histoires enchevêtrées via les visages des combattants, les postures, les tatouages, toujours filmés en gros plans et soutenus d’une bande son d’une belle intensité. Jean-Stéphane Sauvaire trouve là le véritable épanouissement métaphorique de son sujet : celui du combat d’un corps étranger au monde et à lui-même, pour sa propre survie.