Une femme heureuse

Un visage ne fait pas (toujours) un film

Une femme au foyer vit des jours moroses dans la banlieue de Londres, retrouve son souffle et finit par prendre la fuite. C’est la trajectoire du personnage incarné par Gemma Arterton dans Une femme heureuse de Dominic Savage, film sensible, mais noyé dans ses propres images.

 

C’est le portrait d’une jeune femme rattrapée par elle-même. Tara, mariée à un homme actif et mère de deux enfants, a perdu sa joie de vivre et ne supporte plus son quotidien. Un livre d’art déniché chez un bouquiniste va la réanimer et lui donner la force de partir à la rencontre d’elle-même.

Sur la base de ce maigre argument, Une femme heureuse avance bon gré mal gré, traversé d’une sensibilité manifeste. Au cœur du projet, celui de filmer la ravissante Gemma Arterton dans le rôle de cette héroïne à bout de nerfs.

Mais passées ses premières séquences, le film atteint rapidement ses limites, comme pris à son propre piège. Son actrice centrale est d’une beauté certes très photogénique, mais la caméra de Dominic Savage entièrement centrée sur son visage finit par y noyer ses propres images. Comme si ce portrait de femme menacée de dépression, mais gagnée par une énergie vitale plus forte se muait en quelques séquences à peine en un documentaire sur la peau de son actrice. On entend bien qu’il s’agit de faire éprouver l’enfermement de son personnage jusqu’à l’étouffement, mais la mise en scène ne prend pas le recul nécessaire pour faire vivre ses scènes, et le scénario, paresseux, dévoile vite ses limites.

Gemma Arterton et Jalil Lespert dans Une femme heureuse de Dominic Savage. Copyright KMBO.

Reste une très belle idée, centrale dans le film : la rencontre entre une femme dévitalisée, l’Art et le désir. En tombant par hasard sur un ouvrage consacré aux tapisseries de la Dame à la licorne de Cluny, Tara s’anime, entrevoit un horizon et retrouve la force de courir vers elle-même. Cet appel est le vrai sujet du film et aurait mérité d’être davantage fouillé au scénario.

Une femme heureuse transmet une furieuse envie de se précipiter à Cluny, d’admirer les tapisseries (qui évoquent chacune les cinq sens) et de se laisser envahir par le mystère de cette sixième tenture, accompagnée des mots « À mon seul désir ». C’est son grand mérite, celui de nous embarquer avec son personnage dans cette réconciliation avec elle-même grâce à la puissance évocatrice des chefs-d’œuvre existentiels.

 

NB. À lire à l’issue du film : Le mystérieux désir de la Dame à la Licorne de Ilse Oelschläger. Éditions Novalis.