Sélectionné à Cannes en 2022, Un petit frère est le deuxième film de Léonor Serraille. Il confirme sa capacité à cultiver la lenteur et la tendresse dans un monde cruel où tout va trop vite.
Nous sommes à Paris, en 1989. Rose arrive avec ses deux petits garçons. Sous la direction de Léonor Serraille, Caméra d’or pour Jeune Femme, son premier film, ce second long-métrage se déploie en trois parties (avec une voix off dont on aurait très bien pu se passer, tant le rythme et les émotions portées par le film se suffisent à eux-mêmes). Avec pudeur, elle accompagne, tour à tour, les trois personnages principaux : le mal du pays et les sacrifices que Rose a faits avec réticence, les virages imprévus de Jean, son fils aîné, les désillusions du plus jeune, Ernest…
Un petit frère raconte, avec une poésie âpre, les vies ancrées dans le déracinement et les absences. Marion Burger, la cheffe décoratrice, nous a déjà éblouis sur Les Magnétiques. Elle donne une patine particulière à ces villes françaises usées par le temps, à ces appartements délabrés par la mélancolie. Hélène Louvart, la cheffe-opératrice, a tous les talents, dont celui de savoir traduire les émotions et les non-dits chers à la réalisatrice. Ici ou là, Rose semble engluée dans une forme de solitude et son mal du pays, et ses fils poussent comme des plantes miraculeuses privées de soleil. Ou pas.
La scène où Jean danse, où tout bascule, finalement, a quelque chose de fascinant. On ne peut être que submergé par la grâce de l’adolescent, qui s’abandonne les yeux fermés sur le dancefloor et évolue entre les plantes vertes, semblant renouer sans le savoir avec quelque chose d’authentique qui lui échappe. Un petit frère est politique sans revendication, social sans pathos.
« L’avenir ne nous appartient pas ». Peut-être. Mais il appartient certainement à Léonor Serraille. Comme dans Jeune Femme, elle trace les contours de personnages qui cherchent un nouveau départ, mais restent en transit, perdus à la recherche d’eux-mêmes. On les accompagne, sans grand espoir, mais avec une infinie tendresse, tant l’interprétation des acteurs est fine. Annabelle Lengronne, Stéphane Bak, Jean-Christophe Folly sont justes et bouleversants. Le jeu d’Ahmed Sylla est ancré, solide, nuancé, solaire. Et on sort de la salle sans certitude, si ce n’est que rien n’est impossible.