Symbole de la culture gay et de sa libération dans la deuxième moitié du XXème siècle, père de l’archétype homoérotique moustache-blouson-casquette de cuir, qui influencera notamment les Village People, Tom of Finland avait bien droit à son biopic. Académique, mais efficace.
Produit avec le soutien des commissions de film finnoises, suédoises, norvégiennes et danoises, il y a dans Tom of Finland comme une volonté de raconter l’histoire d’un grand héros national et fédérateur – même si ce dernier ne l’a pas été de son vivant dans son pays. Ainsi, on pourra regretter une mise en scène très sage, dans la grande tradition du biopic, un peu en décalage avec l’art provocateur et révolté de Tom of Finland. En revanche, le film de Dome Karukoski, est dans son genre, un très bon biopic académique. On y suit en effet l’évolution du personnage de Touko Laaksonen, sa transformation très progressive en Tom of Finland. Cette transformation passe par une évolution physique – les marques de l’âge, mais aussi l’apparition d’une moustache qui vient anoblir un visage jusque-là un peu gauche — ainsi qu’une évolution psychologique. D’abord très timide, on voit Touko gagner en maturité et en aisance avec lui-même et les autres, tout en restant discret. Interprété à la perfection par Pekka Strang, qui restera à jamais Tom of Finland dans nos mémoires de cinéphiles, ce personnage, héros presque sans s’en rendre compte, est la grande réussite du film. Mais son évolution passe aussi par les changements de décor, toujours très bien racontés : des champs de bataille d’une armée de Finlande en guerre auprès de l’Allemagne nazie, aux rues sombres de Helsinki ou de Berlin. En passant bien sûr par Los Angeles, dont le soleil et les couleurs saturés tranchent violemment avec le pâle de la vieille Europe. Dans ces séquences américaines, les plus belles du film, Dome Karukoski laisse entrevoir le metteur en scène qu’il peut être, caché derrière le bon élève. Le temps de quelques plans, il s’amuse à reproduire pour de vrai le flic musclé et viril, aux formes arrondies, qu’on peut voir dans les dessins de Tom of Finland. Et soudain, le film va plus loin que la simple histoire bien racontée, mais sublime l’art auquel il rend hommage. Dommage que ces séquences soient une apothéose avant une chute brutale, puisque les dernières séquences expédient une histoire jusque-là racontée avec intrigue, suspense et parcimonie.