Lors du tremblement de terre au Japon, laissant les autochtones à leur catastrophe, les expatriés rejoignent leur patrie. Sauf quelques-uns. Et vous ? Que feriez-vous ? Une fiction qui dérange avec Karin Viard, forte et touchante.
Le 11 mars 2011, le tsunami qui engloutit la côte du Japon cause des dommages sur la centrale nucléaire de Fukushima et celle-ci menace bientôt d’exploser. Arrivée depuis peu à un haut poste dans une banque française de Tokyo, Alexandra déchante jour après jour sur la politique patronale, son mépris et son cynisme, la poussant à appliquer des mesures qu’elle réprouve et diminuer les effectifs sans prendre en compte le facteur humain. Face à la catastrophe annoncée, Alexandra essaie de tenir debout. Son mari est encore en poste à Hong Kong, elle lui envoie ses filles tout en restant sur place et essayant d’organiser le départ de son personnel français…
« Un capitaine n’abandonne jamais le navire en pleine tempête », dit le patron cauteleux d’Alexandra, alors qu’on le sent prêt à ne pas du tout appliquer l’adage. A contrario, l’autre métaphore maritime illustrée par ce film est que les rats, toujours, quittent le bateau. Ni capitaine ni rat, mais quelque part entre les deux, tout simplement femme concernée, même pétrie de contradictions, Alexandra reste. « Pas par courage, mais par honte », comme elle le dira à ses collègues.
Le film s’ouvre sur une chorale de Japonais chantant en français Tout va très bien, Madame la Marquise, sous la férule d’une chef de chœur blanche. Cela se passe au sein de l’entreprise, histoire de fédérer les troupes. Cette image annonce très bien la suite, qui dit en vrac le capitalisme, la loi du plus fort, le choc des cultures : la puissance française, son inconscience et son arrogance aussi ; le stoïcisme japonais, son humilité, qui pourrait passer pour de la soumission. Sans juger ses personnages, Olivier Peyon, avec un œil documentaire (il a signé les formidables Comment j’ai détesté les maths et Latifa, le cœur au combat) observe cet univers minéral en train de vaciller. Les hauts immeubles bardés de baies vitrées, où s’ébattent, comme dans un aquarium, des petits poissons pris au piège d’un système. C’est parfois systématique, mais toujours intéressant.
Face à ses collègues, dont son jeune stagiaire qu’elle ne peut engager (Stéphane Bak, jolie révélation) et son assistante Kimiko (Yumi Narita, effacée et si singulière), Alexandra, à qui cette dernière a offert au tout début l’icône d’un taureau que rien n’arrête, parce que c’est ce que sa patronne incarne à ses yeux, est tiraillée, humaine, inconsolable. Et Karin Viard l’habite avec une évidence remarquable.