Rare et méconnu, le second opus signé Dennis Hopper renaît, quarante-sept ans après sa première présentation. Une œuvre allumée et témoignage de l’anticonformisme hollywoodien de son auteur.
Judicieuse idée de ressortir, nettoyé par une restauration 4K, le second long-métrage réalisé par Dennis Hopper. The Last Movie était jusque là ultra rare. Juste après l’épopée hippie instantanément culte Easy Rider (1969), consacrée à Cannes et nommée à deux Oscars, Hopper décide de filmer le parcours d’un marginal, avec l’aval de la Universal. Un cascadeur veut faire une pause loin de Hollywood, suite au tournage d’un western américain dans les Andes péruviennes, où il prolonge son séjour, avide de nouveauté et de métissage. Il joue dans ce qui devient l’œuvre des autochtones, imitant le géant impérialiste étasunien. Si le matériel de ce second film dans le film est factice, la violence est réelle. L’anti-héros Kansas en sera le martyr.
Une vision à la fois acide et prophétique. Acide, car Hopper, issu de l’Âge d’Or de la Mecque du Cinéma – il débuta avec l’icône rebelle James Dean dans La Fureur de vivre et Géant -, se rebelle à son tour en dévoilant l’envers du décor et l’hégémonisme yankee. Prophétique, car il annonce son désaveu par le studio et l’industrie, au vu de cette échappée ultra libre, qui déplut, malgré un prix à la Mostra de Venise. Une création libertaire par sa forme, où la narration, le montage, les raccords explosent les codes établis, et jouent l’impressionnisme total. Dennis court où il veut, pour toujours amoureux de la marge, de la famille déglinguée d’Out of the Blue (1980) aux gangs à vif de Colors (1988). Fidèle, il invite ses potes à venir faire un tour à l’écran : Samuel Fuller, Peter Fonda, Dean Stockwell, Sylvia Miles, Kris Kristofferson ou Tomas Milian. Il expose aussi son esprit sans limites, aidé des images denses du chef op’ Laszlo Kovacs, tel ce plan somptueux où Kansas chevauche les plateaux montagnards fleuris. Sauvage et beau.