Le deuxième long-métrage de Naël Marandin impressionne par sa maîtrise, par sa puissance humaine, et par l’interprétation magnétique de Diane Rouxel.
C’est l’histoire d’un combat, d’une emprise, d’un abus. Constance est une battante, sur les pas de son père agriculteur, lui-même descendant de paysans, et épaulée par son futur mari. La terre est une affaire de famille, et la propriété, un socle inébranlable. Et pourtant. Un cataclysme arrive lorsque l’impensable se produit. Le dérapage, le viol. Soudainement et insidieusement agressée par celui qu’elle estime et admire, la jeune femme vit une schizophrénie silencieuse. Car ce monde est petit et les regards sont implacables, quand il n’y a pas de témoin, et que c’est une parole contre une autre, dans un système patriarcal et paternaliste. Constance tient comme elle peut, dans l’action de son métier, par les gestes quotidiens, avant de réagir quand tout s’écroule.
La tension du film est progressive et maximale. La caméra de Naël Marandin colle aux basques de son héroïne et traite ses scènes cruciales dans la longueur. La fluidité de l’image et le travail sur le plan séquence confèrent en effet au récit une densité palpable. Le cinéaste et ses scénaristes, femmes, Marion Doussot et Marion Desseigne-Ravel, n’éludent aucun moment crucial du parcours de la jeune agricultrice. Le malaise est là, filmé frontalement, pour mieux saisir tous les enjeux. La gracilité de la protagoniste n’empêche pas sa témérité, ni sa rapide résilience, pour mieux dépasser l’inacceptable, et ne pas en rester au verbe « subir ». Diane Rouxel trouve là son plus beau rôle à ce jour. Fortement remarquée depuis sept ans (The Smell of Us, La Tête haute, Volontaire, Marche ou crève…), elle incarne Constance avec une conviction sidérante. Son regard bleu acier encaisse puis enfonce les portes.
La féminité et la masculinité, le traditionalisme et la jeunesse dans le monde rural, la pression du profit et de la réussite, les nouvelles voies professionnelles, tout cela, le second film du réalisateur de La Marcheuse s’en nourrit avec intelligence. La poigne de sa mise en scène emporte le morceau par son assomption de la fragilité et de l’ambiguïté. Jalil Lespert, Olivier Gourmet et Finnegan Oldfield endossent avec flair la peau de ces trois hommes bigarrés, de l’ignominie inattendue du premier à la vulnérabilité de deux autres. Accompagné par l’œil avisé du jeune chef opérateur Noé Bach, ce chemin intense ne laisse pas indifférent. Et cette œuvre vibrante annonce une filmographie de Naël Marandin à suivre de près.