L’héroïne autobiographique de Sylvie Verheyde est de retour. Elle a grandi, continue d’observer, et se laisse aller dans une chronique adolescente pop et mélancolique. Avec un charme entêtant.
Dans Stella (2008), l’héroïne-titre entrait en sixième en 1977. Dans Stella est amoureuse, elle intègre la terminale en 1985. Huit années séparent les deux intrigues, et quatorze ans les deux longs-métrages dans la filmographie de Sylvie Verheyde. Points communs : la ligne autobiographique, l’incarnation du père par Benjamin Biolay, et l’accompagnement musical par des standards de l’époque et par une composition originale signée NousDeux The Band. Nouveautés : Stella est cette fois campée par Flavie Delangle, et la mère bistrotière par Marina Foïs, en place de Léora Barbara et Karole Rocher, et le scénario est cosigné avec le fils de la cinéaste, William Wayolle, également monteur du film, et qui apparaissait dans un rôle du premier Stella. Le tricotage des correspondances intimes et généalogiques est à l’œuvre dans ce diptyque unique, et le nourrit d’une résonance profonde entre réel et fiction.
Si l’aventure est une reconstitution, elle fuit le regard documentaire et la carte postale. La réalisatrice privilégie l’immersion sensorielle avec sa protagoniste, au-delà de l’époque. Elle dessine dans tous les sens du terme une héroïne, une silhouette, une ligne, comme pourrait l’être la tête d’affiche d’une bande dessinée ou d’un roman. Avec Flavie Delangle, à la cinégénie magnétique, elle compose une jeune femme à la croisée des chemins (jeunesse et âge adulte), des regards (observatrice et amoureuse), et des mondes (jour et nuit, bar, école et boîte de nuit, milieu populaire et branché). Stella est un roseau sauvage, qui plie souvent, mais ne rompt jamais. Pas toujours loquace, pas toujours compatissante, pas toujours opiniâtre. Avec son béret, son carré brun et son rouge aux lèvres, elle s’arme pour exister avant tout dans un nouvel espace nocturne parisien, où elle nage comme un poisson dans l’eau : le légendaire night-club Les Bains Douches.
L’auteure construit son fil narratif autour d’une boucle romanesque bien vue. Le récit s’ouvre et se clôt en effet sur une parenthèse estivale italienne, de l’été précédant la terminale à celui succédant au bac. Stella finit au rattrapage, mais elle a passé une sacrée année. Riche en émotions tortueuses, et en premier coup de foudre, que la caméra épouse, avec des plans à la caméra portée, se faufilant au milieu des corps, des couloirs, des rues. Avec aussi un montage parfois survolté en nombre de plans, qui peut rebuter, mais qui, au final, capte l’énergie d’une jeunesse fluctuante, électrique, et la vivacité de Stella et de son groupe de copines. Et par-delà la vitesse, il y a la mélancolie. Celle d’une époque passée, d’une société métissée qui s’invente, et que l’utilisation des tubes raconte avec émotion, autant qu’elle colle au baromètre intérieur de la donzelle, éclairé par les teintes pop en discothèque. Celle d’un moment charnière dans une vie, entre envie de mordre et fébrilité. Il y a une véritable atmosphère dans le portrait de cette jeune Parisienne des années 1980, auquel les ténors au second plan (Marina Foïs, Benjamin Biolay) apportent une présence généreuse.
Olivier Pélisson