Les Derniers Jedi sera à jamais un film hanté : comme un destin de cinéma, le rôle de Leia Organa qui a fait la légende de Carrie Fisher, princesse culte de la saga depuis les origines, aura été le dernier de l’actrice, brutalement décédée à 60 ans.
Qui a tué qui ? Carrie Fisher est-elle morte avec Leia Organa ? Ou Leia Organa est-elle morte avec Carrie Fisher ? Qui a vaincu qui ? Qui a emporté l’autre ? L’actrice ou le personnage ? Que reste-t-il au cinéma à montrer, des images tournées avant sa mort ? Quel sort lui donnera l’épisode IX, la guerre qui mettra fin à toutes les guerres, qui aurait pu la ramener au premier plan, comme son amour Han Solo/Harrison Ford dans Le Réveil de la Force, comme son jumeau Luke Skywalker/Mark Hamill dans Les Derniers Jedi ?
En 2015, Leia était apparue furtivement dans Le Réveil de la Force qui faisait mourir le contrebandier Han Solo de la main parricide de leur fils Ben, passé du côté obscur de la Force en faisant allégeance au Suprême Leader Snoke. Leia avait vieilli. Quarante ans avaient passé depuis son apparition. Tandis que Star Wars se réveillait au cinéma, la coiffure médiévale des jeunes années avait changé. Les macarons avaient laissé place à un chignon rangé avec classe et élégance. Leia n’était plus rebelle, elle était devenue sage.
Dans l’épisode VIlI, elle porte beau son chignon gris, impeccable comme le costume en lainage, tenue haute couture d’une héroïne commandant en habile stratège. Les temps ont tellement changé. Les Deniers Jedi ne sont pas Le Retour du Jedi de Richard Marquand (1983), ce temps où elle affolait les fans, esclave glamour et sexy en bikini doré, prisonnière de Jabba le Hutt qu’elle finissait par tuer avec ses chaînes. Carrie Fisher avait été un fantasme, elle est devenue une femme vénérable.
Les Dernier Jedi est un miroir troublant. Dans la guerre ultime contre la nouvelle tyrannie de Snoke, la violence et la mort tournent autour de Leïa Organa à la tête de la Résistance. Comme si la fin possible, peut-être annoncée de son personnage, prophétisait, augure funeste, la sortie de scène de l’actrice. Le centre de commandement du vaisseau amiral de la Résistance est détruit et Leia projetée dans l’espace. Elle ne bouge plus. Est-elle morte, vivante ? Elle flotte dans l’espace, qui paraît être celui d’un songe. Elle a l’air d’une princesse de conte qui s’envole. Les Deniers Jedi, souvent, ont d’ailleurs un air de conte, avec tout un bestiaire enchanté, adorables petites bêtes (les Porgs), renards de crital (les Vulptex) ou monstres gentils chevauchés comme des dragons (les Fathiers).
D’anciennes images de Leïa, d’un très vieil épisode, se glissent dans le récit, réminiscences d’un héritage et d’un passé qui ne passe pas. Rian Johnson fait réapparaître Leïa, dans la jeunesse de sa robe blanche iconique. Un personnage ne disparaît jamais. Le cinéma le rend éternellement vivant. Dans la famille Skywalker, la princesse Leia Organa était une star : une héroïne politique forte ; une figure droite, puissante; une féministe unique dans l’univers très masculin de la première trilogie et de la saga où elle était une sorte d’apparition miraculeuse dans sa robe immaculée. Les Derniers Jedi renouvelle le miracle. In memoriam