Neuvième tome « malickien » à gagner les écrans, Song to Song assume le style abondant et élégiaque du cinéaste, en faisant de la musique sa toile de fond, sa caisse de résonance, le révélateur des âmes fragiles de ses personnages, et un hymne à l’éclat. Au risque de se briser les ailes.
Le style de Terrence Malick seconde période continue d’abreuver son œuvre de créations qui se suivent et se nourrissent l’une l’autre. The Tree of Life, À la merveille, Knight of Cups, Voyage of Time et Song to Song constituent le quintet récent que rejoindra bientôt Radegund, actuellement au travail. La caméra fluide arpente sans cesse l’espace où évoluent les corps et les âmes, au gré d’un découpage et d’un montage vertigineux. Hystérie ? Intranquillité ? Insatiété ? Le temps passe et on se demande après quoi court Malick. Une quête sans fin de la moelle humaine et de son rapport au cosmos.
Le battement du cœur trouve cette fois sa place dans une fiction qui s’épanouit dans le rythme de vie viscéral de musiciens, de chanteurs, de producteurs et de personnalités éblouies par l’aura magnétique des autres. En découle une ode ultra-mélancolique qui met en avant la beauté, mais débouche souvent sur la déception et la douleur. Les paysages naturels sont sublimes. Les villas, lofts et lieux de villégiature respirent le luxe et la volupté. Les femmes sont belles à tomber (Rooney Mara, Natalie Portman, Bérénice Marlohe, Cate Blanchett). Les hommes sont beaux à tomber (Michael Fassbender, Ryan Gosling). Et la caméra d’Emmanuel Lubezki transcende ces éléments visuels en un opéra esthétique captivant.
Si les scènes sont souvent morcelées pour composer des mosaïques d’états, plus que de narration, et que le spectateur doit se laisser aller comme sur des vagues sur lesquelles il faut apprendre à surfer, l’expérience s’avère riche. Au son de nombreux groupes et figures de la scène actuelle, parfois filmés en live lors des diverses manifestations d’Austin. Les participations rapides de pointures de la musique égrainent une sensation de communion artistique qui vise au spirituel. Patti Smith devise sur l’existence et sur l’amour. Lykke Li joue l’amoureuse. Iggy Pop se repose dans sa loge. La quête d’absolu et de réussite écrase parfois l’épanouissement, mais Song to Song raconte finalement qu’il faut risquer sa vie.