Une sensibilité ténue irrigue les veines de cette découverte transalpine. Un voyage délicat en pleine jeunesse bafouée, qui se rebiffe comme elle peut contre l’étau de la déshumanisation.
« Sole » veut dire « soleil ». C’est le prénom d’une petite fille sur le point de naître. Un bébé, centre névralgique de ce premier long-métrage de Carlo Sironi. Un révélateur encore couvé, qui entraîne une réflexion subtile sur la parentalité, sur l’existence, et sur la circulation. Mouvement des individus, des corps et des cœurs. Comment se choisit-on son destin ? Comment assume-t-on son identité ? Comment naît-on enfin à soi-même ? Tout cela dans un monde où le commerce, l’intérêt, la rentabilité, et l’argent règnent. Les plus faibles, les invisibles, les écrasés, subissent les choix et les désirs des plus forts. C’est ce dont font les frais Ermanno et Lena, les tout jeunes protagonistes. Lui, orphelin esseulé ; elle, migrante polonaise livrée aux autres. Entre eux, l’enfant biologique de la seconde, et prétendu du premier pour quelques semaines. Un futur petit astre qui permettra à un couple plus mûr, dont l’oncle du garçon, de devenir parents. La gestation pour autrui est en effet interdite en Italie.
Qu’on ne s’y trompe pas, Sole n’est ni une œuvre à dossier ni un plaidoyer sociétal. Juste l’épopée taiseuse de deux êtres graciles, et à l’apparente indifférence au monde qui les entoure. Et pourtant… leurs visages sont intenses d’impassibilité signifiante. Leurs yeux, confondants d’émotion contenue. Claudio Segaluscio et Sandra Drzymalska arborent leur présence juvénile avec une grâce mélancolique infinie. À travers eux, ainsi qu’à travers le cadre carré précis et le regard bienveillant, mais sans complaisance du cinéaste, l’aventure ne se réduit pas qu’à la noirceur. Ni à l’impasse humaine. Un entrebâillement de lumière est possible. L’espoir veille, tapi dans les ombres froides, intelligemment déclinées par la gamme d’images bleutées du chef op Gergely Poharnok. Une altérité discrète, mais finement tissée dans le scénario coécrit avec Giulia Moriggi, et Antonio Manca, déjà coauteur du beau portrait sur la jeunesse L’Affranchie (La ragazza del mondo) de Marco Danieli .
Cette coproduction italo-polonaise, primée à la Mostra de Venise, à Mumbai, Montréal ou au Cinemed de Montpellier, s’avère l’un des plus beaux premiers films étrangers sortis ces derniers mois. Elle s’affirme aussi comme la révélation passionnante d’un réalisateur prometteur.
Réalisé par Carlo Sironi.
Avec Claudio Segaluscio, Sandra Drzymalska, Bruno Buzzi, Barbara Ronchi
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Date de sortie : 9 septembre 2020 (1 h 40)
Photo : Copyright Les valseurs
