Rue du Conservatoire

Jouer est une fête

Valérie Donzelli filme la promotion 2022 du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris répétant son spectacle de fin d’année sous la direction d’une effervescente élève actrice-metteuse en scène. De cette rencontre entre la cinéaste et ces jeunes gens naît une résonance sensible, émouvante et galvanisante.

À l’origine de ce documentaire, une requête : Clémence Coullon, élève du Conservatoire, demande à Valérie Donzelli, venue donner une masterclass sur le jeu d’acteur au cinéma, de la filmer en train de mettre en scène ses camarades dans son adaptation d’Hamlet qui clôturera leurs années d’études. Pour garder une trace de leur passage dans ce haut lieu d’apprentissage. Pour être regardée lorsqu’elle regardera les autres. Sans doute est-ce l’un des moteurs de l’acteur, ce besoin vital d’exister dans les yeux d’autrui, comme si ce regard extérieur venait les assurer de leur présence réelle au monde.

Voilà qu’ici ce processus produit également un effet miroir pour la réalisatrice. Valérie Donzelli a passé deux fois le concours d’entrée au Conservatoire sans être sélectionnée. À l’heure où elle prend sa caméra pour filmer ces élèves, elle s’apprête à fêter son cinquantième anniversaire. Elle vit une séparation amoureuse, doit quitter son appartement et amorce un tournant dans son existence. Elle explique tout cela dans une voix off dépouillée de toute gravité qui fait entendre la force de vie et la fantaisie qui la caractérisent. Quelques images l’illustrent aussi, créant un va-et-vient entre deux sphères : l’intime et le collégial. Mais là où la nostalgie pourrait advenir, une autre dynamique s’installe liée à la joie de créer, de conjuguer sa créativité à celles des autres. L’élan conjoint de Clémence et ses camarades, qui s’emparent du monument shakespearien avec audace, doutent, se cognent, se relèvent et triomphent, est tel qu’il fait naître une fête à l’écran : la jeunesse, la fougue, la passion, la liberté, l’espoir de celles et ceux qui feront le futur du théâtre et du cinéma français prennent le spectateur aux tripes et lui font monter les larmes aux yeux autant qu’ils l’amusent. Que ce film est vivant, joyeux et émouvant ! Rue du Conservatoire est une pépite. Une ode à la vitalité, au collectif, aux lendemains prometteurs. L’antidote idéal à la morosité.

 

Anne-Claire Cieutat