Portrait simple et émouvant sur la renaissance d’une femme, le premier film d’Aurélie Saada fait mouche. Avec, en sublime tête d’affiche, l’une de nos plus grandes actrices : Françoise Fabian.
Malicieux choix de donner l’anagramme du verbe oser au prénom de sa protagoniste et au titre de son premier long-métrage. Aurélie Saada a le goût de la douce audace. Rose, la bien nommée, charme et irradie. Quasi octogénaire, elle est comblée par sa vie conjugale et familiale, quand survient la mort de son mari. Mais elle découvre comme par effraction qu’elle peut encore renaître à elle-même. À ses sens, à son corps, à son souffle. Un personnage en or pour Françoise Fabian, qui tient enfin le haut de l’affiche, trente-cinq ans après Faubourg Saint-Martin de Jean-Claude Guiguet, et après avoir enchaîné depuis une douzaine d’années les seconds rôles de mère et de grand-mère hautes en couleur (Lol de Lisa Azuelos), souvent chez des interprètes cinéastes (Lucas Belvaux, Francis Huster, Guillaume Gallienne, Michèle Laroque), et la plupart du temps dans des œuvres chorales.
La bonne idée de l’artiste tout-terrain Aurélie Saada est d’avoir mitonné un écrin pour célébrer le goût de la vie, via le portrait en mode coming of age d’une septuagénaire. Il y a de la sensibilité et de la finesse dans le regard de la réalisatrice, qui s’est déjà fait la main sur des spots publicitaires et sur des clips vidéo de son ex-duo musical Brigitte. Ses débuts dans la fiction long format, inspirés notamment d’une scène vécue avec sa mère-grand, débouchent sur une histoire simple et profonde, coécrite avec Yaël Langmann. Elles livrent une narration fluide et un sens des situations et des dialogues, même si l’explicatif est parfois redondant. La construction de cette héroïne, et de sa famille parisienne juive orientale, s’appuie sur une exploration de la sensorialité. Le soin apporté aux images, décors, vêtements, accessoires et aux peaux distille de l’épaisseur et une sensualité concrète. Sans compter la nourriture, dont la présence constante parachève le liant humain et le plaisir renaissant.
Magnétique, de ses prunelles vives à sa voix susurrant une chanson arabe, Fabian mène la danse avec une décomplexion qui vire au panache. Elle retrouve aussi son « orientalité » de naissance (en Algérie), et l’idée de casting de ses trois enfants de cinéma fonctionne harmonieusement (Aure Atika–Grégory Montel–Damien Chapelle). Rose a séduit le Festival de Locarno, d’où il est reparti auréolé d’un Prix Variety, et arrive à point nommé pour réchauffer cœurs et âmes en ce mois de décembre.
Olivier Pélisson