Premier long-métrage plein de bruit et de fureur, Rodeo est un portrait de jeune femme qui va vite. Dans le milieu peu raconté du « cross-bitume ».
Aller vite. Ce n’est pas l’unique apanage de la jeunesse d’aujourd’hui, mais la fureur de vivre de ces Easy Riders, elle, est bien de son temps. Et du nôtre. Elle est portée par Julia (impressionnante Julie Ledru, nouvelle venue à la présence électrique) seule meuf dans ce monde de mecs. La moto, la bécane, c’est sa vie : elle s’empare de toutes celles qu’elle peut voler, emprunte de l’essence où elle peut et se rend sur le circuit des Riders. Pour « cramer ». Rouler en faisant des figures. S’éclater. Sur une « voie ».
Tout est à double sens ici, le vocabulaire comme la tension des corps et des visages. Car la lisière entre le plaisir et le danger est ténue. Julia a un chagrin, un secret, et une hargne colossale pour être qui elle veut, faire ce qu’elle veut, au milieu de cette bande de machos. Les « B. More » (Être plus), petits voleurs au sang chaud, sont dirigés depuis la prison par un dénommé Domino. Julia acceptera des « coups », qui feront d’elle la nouvelle poule aux œufs d’or. Elle se prendra aussi de tendresse pour la compagne de Domino et son petit garçon, recluse consentante, qui ne voit pas que sa vie est devenue, elle aussi, une prison.
Si l’échappée récurrente du film, oscillant entre magique et vaudou, peine à nous convaincre, notamment dans la dernière partie, il n’en reste pas moins que la folie furieuse du film est captivante. Et que sa maîtrise est totale, pour approcher les bécanes et les corps, faire sourdre la violence et éclater la vitalité. Lola Quivoron, jeune réalisatrice de 33 ans, déploie une puissance de regard singulière. Prix « Coup de cœur » du jury Un certain Regard au dernier Festival de Cannes, Rodeo est une claque. Une œuvre sidérante, jetée, crachée. Sur une jeunesse rageuse et désespérée. Rageuse parce que désespérée.
Isabelle Danel