Après ses documentaires engagés, seul ou en compagnie de François Ruffin, Gilles Perret signe un premier long. Une sympathique comédie en forme de fiction sociale.
« C’est toujours les mêmes qui s’engraissent, sur le dos de ceux qui travaillent… C’est même de pire en pire. », ainsi parle Michel, le vieux syndicaliste à son fils, Cédric. Ce dernier travaille dans la même usine de décolletage, pour laquelle Michel s’est battu toute sa vie. Et force est de constater que rien ne change, même si tout fout le camp. Déjà rachetée par un fonds de pension, l’entreprise, jadis familiale, ne ressemble plus que de très loin à ce qu’elle était – machines usées, disparition du lien social et de la solidarité, cadences de plus en plus infernales. Et voilà qu’un autre rachat se profile… avec bilan et lignes budgétaires qu’on raye, comme s’il n’y avait pas, derrière, des hommes et des femmes. « Il faut bien proposer un allègement de la masse salariale si on veut être attractifs. », dit le patron à la DRH.
Dans la veine sociale chère à Ken Loach ou Robert Guédiguian, Gilles Perret tisse, en compagnie de Raphaëlle Desplechin, Marion Richoux et Claude Le Pape, un scénario de tragi-comédie. Il prend sa source dans son premier long-métrage documentaire, Ma mondialisation (2006), lui aussi situé dans cette usine de mécanique de précision de Haute-Savoie, qui est ici comme un personnage à part entière. Ces quadragénaires, qui se connaissent tous parce qu’ils ont grandi là et n’ont pas voulu partir, forment une bande de pieds nickelés qui vont s’allier pour mettre à bas le capitalisme et la mondialisation. Rien que ça.
Les intentions sont bonnes et le regard de Perret sur ce monde est celui d’un connaisseur. Il y a une vérité qui trouble et touche derrière la gentille comédie avec bons et méchants désignés. Pierre Deladonchamps, Grégoire Montel et Vincent Deniard forment un trio joyeux et désarmant de branquignols plus vrais que nature, tandis que Rufus, tout en colère ancestrale impacte durablement ses quelques scènes.
Même si Reprise en main ne renouvelle pas le genre, le film apporte un éclairage sensible sur la pérennisation de pratiques insupportables. Il a l’élégance et la politesse de le faire avec humour.