Premier long-métrage chilien sur une famille homoparentale, Rara est vu à hauteur d’une adolescente chavirée. Foisonnant de détails sur cet âge difficile, le film est beau et juste.
Sara est une adolescente de bientôt 12 ans, à laquelle on vient de retirer son appareil dentaire. Quelque chose d’un nouvel horizon s’offre à elle, alors qu’elle vit depuis un certain temps avec sa petite sœur Cata chez Paula, sa mère, et Lia, la nouvelle compagne de celle-ci. Son quotidien est fait de tendresse et de complicité ; un week-end sur deux est dévolu aux visites à son père et sa nouvelle épouse, Nicole. Sara souhaiterait se fondre dans la masse au collège et partout, pour mieux vivre son indéfectible amitié avec son amie Pancha, son amour naissant pour le jeune Julian. Sa petite sœur Cata est à l’âge des jeux innocents, des irrépressibles envies de chatons à câliner. Sara commence à voir son petit monde à travers le regard des autres. Une instit qui tique, un garçon qui ricane… Est-il bien raisonnable d’envisager d’organiser sa fête d’anniversaire chez sa mère ? Par petites touches – un regard, un silence un mouvement de tête – la réalisatrice compose un étonnant ballet de non-dits qui s’immiscent au cœur de la cellule familiale et l’envahissent peu à peu. La normalité du couple Paula-Lia est muée en anormalité au premier accroc : le politiquement correct ne fait pas long feu… Jamais caricatural, le film, sous ses allures de chronique ordinaire, plonge au cœur des sentiments contrastés de chacun, du combat quotidien des femmes pour se faire accepter telles qu’elles sont, du machisme sous-jacent d’une société entière. Par la force des acteurs, et l’incroyable maturité de Julia Lubbert qui incarne Sara avec une évidence sidérante, le film déploie sa triste réalité et résonne longtemps en nous.