Une enquête policière sur fond de mouvement citoyen contemporain. Sur le papier, Que Dios nos perdone, qui place son intrigue pendant le mouvement des « Indignés » dans l’été 2011 à Madrid, évoque le récent Le Caire confidentiel, qui déroulait la même année au Caire pendant la révolution égyptienne. Mais, là où Le Caire confidentiel ressemblait à un film noir, Que Dios nos perdone est une intrigue policière à suspense.
Suivant la traque d’un serial killer du point de vue des enquêteurs, le film de Rodrigo Sorogoyen ressemble surtout au Zodiac de David Fincher. Tourné presque exclusivement de jour sous le soleil madrilène, dans une image brute au grand angle, façon reportage, Que Dios nos perdone se veut hyperréaliste. Une façon pour le réalisateur de faire se confondre la fiction et l’actualité politique et sociale de son pays, des manifestations des Indignés à la venue de Benoît XVI dans le cadre des JMJ. Pourtant, Sorogoyen ne souhaite pas un film politique. Ce contexte permettant de donner un rythme à son intrigue, plaçant la ville « sous tension ». Ce cadre urbain et ultramoderne est le terrain de jeu d’un traditionnel duo de flics. Deux détectives sérieux et investis, mais aussi troubles et ambigus : Alfaro, bourru et ronchon, et son binôme Velarde, un peu asocial, méticuleux tendance monomaniaque. Ils enquêtent sur un psychopathe violeur et tueur de femmes âgées. On sent vite venir le complexe freudien, et on peut ne pas s’arrêter sur ce personnage de criminel un peu stéréotypé. Et si l’intrigue demeure efficace, c’est davantage par la ville qu’on se laisse porter, par l’arrière-plan et le hors-champ. Madrid, ville bouillante et jeune où l’exaspération se fait sentir. Il n’y a que les personnes âgées pour accepter sans méfiance de répondre aux questions de la police. Épuisés par la crise économique, les jeunes Espagnols de Que Dios nos perdone sont en proie à une fatigue propice à la révolte. Mais le film n’accueille aucune véritable séquence de manifestation, aucun vrai discours social ou politique. Il n’y a que le fond de l’air qui est rouge. Si Sorogoyen ne s’y arrête jamais, n’en fait jamais un sujet, ce vague parfum de révolution embaume assurément son film.