Au rayon des révélations cannoises du millésime 2019, il en est une pleine de charme. Une histoire d’amour. Un roman d’apprentissage. Un conte urbain new-yorkais, où les princes et les princesses galèrent, squattent, et défient les lois des genres, avec une grâce dingue.
Écrit et réalisé par une inconnue en France, Danielle Lessovitz, Port Authority est un premier long-métrage venu d’outre-Atlantique. Son titre fait référence au nom de la gare routière et terminal des bus de New York, en plein Manhattan. C’est là que l’action démarre, avec l’arrivée d’un garçon de vingt ans, Paul, immédiatement saisi par l’immensité de la ville, l’indifférence générale, le silence de sa demi-sœur et une agression dans le métro. Il démarre à zéro mais a tout de suite remarqué une fille, au milieu d’une bande de joyeux lurons, adeptes du « Voguing » dans leur groupe queer, devant la gare. Il va la retrouver. Ils vont s’aimer. Elle s’appelle Wye, délicieux prénom qui fait du questionnement homonyme (Why = pourquoi) un manifeste.
La cinéaste a déjà réalisé une brochette de courts-métrages, souvent centrés sur la solitude et la survie, et a collaboré comme directrice artistique au Mobile Homes de Vladimir de Fontenay, lancé à la Quinzaine des Réalisateurs 2017. Elle privilégie ici, dans son écriture, un enchaînement de scènes quotidiennes qui définissent par touches, par états émotionnels, la trajectoire initiatique de son jeune héros. En jouant la simplicité, Lessovitz dépasse le sujet à thème et le film dossier sur les amours entre un garçon et une fille trans, pour s’attacher avant tout à une rencontre. Les motifs de l’approche, de la séduction, de la découverte, de l’interrogation, du doute, de la crainte, du remords, sont autant de fils finement tissés, et sans effet coup de poing.
Une douceur qui n’en rend que plus subtile cette aventure transgressive aux yeux de la nature, mais limpide aux yeux du sentiment et du désir. L’incarnation de Fionn Whitehead et de Leyna Bloom y est pour beaucoup. Magnétiques tous les deux, lui dans sa candeur, elle dans sa lucidité, et ensemble au diapason de la générosité offerte à leur personnage. Une harmonie saisie dans la texture brute des images du jour, comme dans les versants pop des images nocturnes. Les corps dansent au milieu du bitume urbain, et défient l’ordre du monde. Il y a de la mélancolie dans cette balade entre Brooklyn et Harlem, de la joie aussi. Présenté à Cannes dans la section Un Certain Regard, Port Authority débarque quatre mois plus tard sur les écrans français. Embarquement immédiat.