Personne n’y comprend rien de Yannick Kergoat

Maintenant, si !

Ce film dossier reconstitue minutieusement l’enquête de Mediapart sur l’affaire des financements libyens dans la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Sobre et efficace.

« Personne n’y comprend rien », est la phrase prononcée par Nicolas Sarkozy lui-même, en référence à ses liens avec le dictateur libyen, Mouammar Khadafi, et aux accusations, qu’il a toujours démenties, concernant le financement par ce dernier de sa campagne électorale en 2007. Deux journalistes de Mediapart, Fabrice Arfi et Karl Laske, assis sur une chaise dans un appartement blanc, racontent tour à tour et par le menu leur enquête démarrée en 2011, la façon dont ils ont vérifié et croisé les informations. Des dates s’inscrivent, des images sont projetées sur les mêmes murs blancs, et la voix posée et grave de Florence Loiret-Caille complète le tout par un commentaire en off. Il y a aussi, en deuxième partie de film, le récit de la contre-offensive médiatique pour discréditer le travail de Mediapart. Pas un mot plus haut que l’autre, mais des faits racontés, exposés, disséqués. En préambule et en conclusion, la rituelle phrase disant que les personnes mises en cause sont présumées innocentes encadre comme des serre-livres ce travail, qui fait honneur à la profession de journaliste.

De ce dispositif on ne peut plus sobre, on sort édifié et étourdi. Signé Yannick Kergoat, auteur en 2022 du documentaire déjà bien chavirant sur le capitalisme et ses scandales, La (Très) Grande Évasion, le film est implacable et limpide dans son déroulé et sa mise en avant d’un certain nombre de données.  Parfois, le cinéma sert aussi à ça. À télescoper le réel, puisque le film sort au moment où s’ouvre pour de vrai le procès de Nicolas Sarkozy. Et à le rendre plus compréhensible à ceux qui n’ont pas suivi – ou ont oublié – ce feuilleton dément. Le reste, bien entendu, appartient à la Justice.