Comme un palimpseste féministe, le premier film sur la presse de Steven Spielberg écrit par-dessus son sujet en forme de thriller politique, un éloge de la femme.
Il ne suffit peut-être pas de faire un portrait de femme puissante pour se muer en activiste. Ce n’est d’ailleurs pas le genre du sobre Steven Spielberg, qui même quand il fait des films historiques et clairement politiques (La Liste Schindler, Il faut sauver le Soldat Ryan, Munich, Lincoln), n’arme pas un cinéma frontalement militant, bouillant, chargé d’un cahier bruyamment revendicatif. L’humanisme soft de l’honnête homme adoucit l’expression de ses prises de conscience et de position, il n’est pas donneur de leçon malgré ses convictions.
Pentagon Papers intéresse bien sûr dans la manière dont il filme avec brio le journalisme d’investigation, un réalisme scrupuleux métamorphosé par une brillante mise en scène, mais empruntant un schéma narratif toutefois déjà largement suivi par de précédents films de presse. Il s’aligne sur le genre, jouant de l’enquête journalistique comme d’une haletante et frissonnante enquête policière. Il intéresse aussi par son récit précis des faits réels de la publication par le Washington Post en 1971, de documents classés secret défense, mettant au jour les mensonges de longue date de la classe politique américaine sur le Vietnam, en justifiant faussement le conflit.
S’il n’est pas le film politique le plus ambitieux du cinéaste, le plus véritablement engagé, Pentagon Papers agit comme une efficace démonstration de l’importance des femmes dans la société. Il le fait sans manichéisme, sans s’entraver dans une vision clivée, encombrée de clichés, des relations hommes-femmes, mais en suivant dans cette affaire la trajectoire passionnante de Katharine Graham, la première femme à la tête d’un grand journal américain. Ce n’est pas son biopic, mais son portrait à ce moment clé et décisif où elle doit décider ou non de publier cette enquête (dirigée par un Tom Hanks irréprochable), résister à la pression des hommes qui la conseillent et faire face aux menaces de la Maison Blanche. C’est le moment où elle doit s’affirmer en tant que femme de pouvoir dans un milieu d’hommes de pouvoir, être leur égale. Meryl Streep, avec une intelligence éblouissante, sert ce sensible portrait de femme de tête, aristocrate un peu guindée mais tout en nuances, qui va oser défier son monde, avec audace, force, courage.
En 2016, invité par l’université Harvard, Steven Spielberg avait dénoncé un « monde rempli de monstres ». « La seule réponse à l’amplification de haine, avait-il dit, est l’amplification d’humanité ». L’amplification d’humanité est à l’œuvre dans Pentagon Papers, travaillée par la conviction que la femme a droit à la Une.