Pénélope est une enfant autiste. Sa mère l’a filmée presque toute sa vie. Pour comprendre, pour trouver une solution, pour avancer avec elle. L’œuvre qui en découle est un témoignage bouleversant et essentiel.
Réalisatrice, Claire Doyon a filmé tout naturellement l’arrivée de Pénélope, son premier bébé, son amour. Et puis, la vie a continué, avec des photos pour seules traces. Mais quelque chose s’est déchiré après les deux ans de l’enfant. Une image gravée dans la mémoire de Claire nous est décrite : Pénélope tournant sur elle-même comme une toupie, frottant ses mains au niveau de ses yeux. Pénélope n’était pas comme les autres enfants, elle régressait, ne parlait plus, ne jouait plus. Pénélope était autiste.
Il ne fallait pas se résigner, il fallait lutter. Caméra au poing, au cœur, caméra « comme un bouclier » entre elles deux et le monde, sa mère a installé avec cette enfant fragile un lien d’images et de moments. Comme des petits cailloux semant un parcours douloureux, fait de visites aux spécialistes, de trains pour Mulhouse ou d’avions pour New York, de séances de travail destinées à la « ramener sur les rivages du social », d’attentions constantes, d’espoirs souvent détruits, de lettre annonçant un syndrome de Rett tombant « comme une bombe au milieu du salon ».
Retrouvant ces cassettes DV et pellicules 16mm, Claire Doyon a décidé d’en faire un film, avec le précieux concours du monteur Raphaël Lefèvre. Œuvre terrible et belle, Pénélope mon amour commence par un adieu : Claire annonce à « Pélo », 18 ans, qu’elle va aller dans un institut spécialisé, qu’elles se verront dès que possible, mais qu’elles doivent avoir chacune leur vie désormais. Pélo se cache sous un coussin, souffle très fort, gigote. Et puis se calme sous les caresses de sa mère. Et l’œil de Pélo fixe la caméra, longuement… À partir de là, le film repart à l’origine, et conte, plus qu’il ne raconte, le quotidien d’une famille, ses choix, ses batailles. L’histoire d’un couple, Claire et Nicolas, qui refuse de « faire le deuil de son enfant », comme l’a conseillé un médecin, et qui se donne pour mission cette petite fille.
« Sauver Pénélope. Mais sachant que la maladie est plus forte que nous, que veut dire sauver ? »
« Quelle est la valeur d’une vie ? Quelle est la valeur de l’amour ? », se demande la mère en off. Cette voix, faite de souvenirs, d’extraits de journaux intimes, de moments de désespoir, nous chavire tout autant que les images de Pénélope, vivante, vibrante, inlassablement mouvante. Et puis, une autre petite fille naît par surprise, elle s’appelle Tatiana, elle va bien, elle grandit bien. « Le miracle, ce n’est pas quand quelque chose d’exceptionnel arrive : le miracle, c’est quand tout va bien. » Pour que son aînée ne se retrouve pas dans un hôpital de jour, Claire a fondé avec une amie l’école MAIA (Maison pour l’Apprentissage et l’Intégration des enfants Autistes) ; elle est allée en Mongolie, où Pénélope paraît plus à son aise, « loin de Paris et de l’obligation de marcher droit dans la rue » ; elle l’a laissée quinze jours en Turquie pour une initiation au sport et Pélo s’est mise à faire du patin, du vélo, à courir un marathon. Trouvant, malgré les insomnies, les apnées, les grincements de dents, les mains qui fouillent la terre, une façon à elle d’être au monde.
Ce que le film questionne, par-delà le témoignage bouleversant d’un amour qui est aussi une guerre contre la maladie, c’est notre regard à nous, « normopathes » sur ces êtres différents et qui sont, pourtant, nos semblables, nos frères… C’est déchirant. C’est essentiel.