Dans une Amérique urbaine white trash, Geremy Jasper pulse la vie rêvée d’une serveuse de bar obèse qui se voit en haut de l’affiche, couverte de gloire. Autobiographique partition.
Il a 40 ans et Patti Cake$ est son premier film. Dans sa vie d’avant, Geremy Jasper faisait des clips et du rock indé, dans un groupe qui avait un petit succès, The Fever. Par des chemins de hasard, ce fan de Tom Waits, cet admirateur de Fellini et de Jodorowsky a fini par arriver au cinéma. L’héroïne de sa première œuvre, passée par Sundance avant Cannes, en clôture de la dernière Quinzaine des Réalisateurs, c’est lui, c’est son histoire.
Patti, son double autobiographique de cinéma, est une jeune fille obèse dans une Amérique pauvre. Dans sa famille déclassée et décomposée du New Jersey, entre une grand-mère malade dont elle est dingue, et une mère alcoolisée, chanteuse ratée, Patti est à peu près la seule qui tienne la route. Patti a la vie devant elle, elle a droit à toutes les espérances. Dans ce décor de la misère, où chaque jour est une lutte, pour soi et contre la terre entière, Geremy Jasper aurait pu cadrer ça, cette histoire un peu minable, une vie de chien, de merde, de white trash (« raclure blanche »). Mais il tient le social en background et surtout, s’interdit tout misérabilisme : son portrait n’est pas économique, ni sociologique, il est dans la vie.
Patti Cake$, c’est d’abord l’histoire d’une vie rêvée comme en avait Geremy Jasper quand il avait l’âge de son héroïne, qu’il vivait d’ennui chez ses parents dans le New Jersey, se demandait ce qu’il allait bien pouvoir faire de son existence, s’il travaillerait toujours dans un bar, s’il allait pouvoir vivre de sa musique à New York. Comme il y avait beaucoup d’autobiographie dans son premier film, Geremy Jasper est allé filmer Patti chez lui, à Hillsdale, la ville de ses parents.
La vie rêvée de Patti, alias Killer P, c’est le rap, le slam, la tchatche, des mots qui sont des batailles et des guerres. Collée au plus près par la caméra, l’Australienne Danielle MacDonald gonfle son personnage d’orgueil, de courage, de culot, et décuple ses forces avec une formidable énergie, qui finit par contaminer le film. Drôle, cruel, tragi-comique, parfois naïf, Patti Cake$ est l’un de ces feel good movies, cadré à l’épaule, montage rapide, dont la vitalité électrisante emporte tout.