Véritable défi aux techniques d’animation, La Passion Van Gogh de Dorota Kobiela et Hugh Welchman ressuscite le peintre en donnant vie à sa peinture. Envoûtant.
Van Gogh passionne toujours autant : son œuvre, son histoire, son oreille coupée, son statut de peintre maudit n’ayant vendu aucune toile de son vivant, alors qu’il est considéré aujourd’hui comme le père de l’art moderne et l’un des recordmen des ventes (son Portrait du Docteur Gachet fut acheté à plus de 82,5 millions de dollars dans les années 1990). Vincent Van Gogh fascine les foules, l’affluence à ses expositions en témoigne, l’intérêt ne faiblit pas. Il aura inspiré beaucoup d’artistes, dont les plus grands cinéastes, de Minnelli à Pialat, en passant par Altman et Kurosawa.
Un nouveau projet cinématographique lui étant consacré, il se devait forcément d’être à la hauteur. Force est de constater qu’il est le fruit d’un travail colossal : La Passion Van Gogh, premier long-métrage de Dorota Kobiela et Hugh Welchman, a été entièrement peint à la main par une colonie de 70 peintres. Au final, pas moins de 62000 plans ont été nécessaires pour animer près de 130 tableaux de l’artiste culte néerlandais.
Et la première vision du film est tout simplement un choc : le spectateur est plongé à l’intérieur des toiles de Van Gogh, un spectacle certes identifié tant la grammaire de l’artiste nous est familière, mais ici, tout bouge. Festival de jaunes, de bleus et de verts en pagaille, immersion face à la fameuse touche du peintre en mouvement, fantasme accompli de pénétrer physiquement à l’intérieur d’une œuvre, cette résurrection d’un impressionnisme quasi tactile, quasi charnel, bouleverse.
Des comédiens authentiques ont interprété les différents personnages – le plus souvent sur fond vert – qui ont servi de modèles pour recréer ensuite l’animation picturale du récit, celui des derniers jours de la vie du peintre : été 1891, Armand Roulin (le séduisant Douglas Booth) est envoyé par son père, le facteur Roulin, afin de remettre une lettre de Vincent Van Gogh qui vient de se suicider, à son frère Théo. En arrivant à Paris, Armand apprend par le père Tanguy que Théo n’a pas survécu à la disparition de Vincent. Décontenancé, il part sur la piste de témoins dont les accusations convergent vers un certain Docteur Gachet (interprété par le sensationnel Jerome Flynn). Armand veut absolument obtenir un entretien avec l’étrange docteur, mais il tombe sur sa fille…
Si l’enquête d’Armand est relativement tendue, ménageant un suspense menaçant très psychologisant, amplifié par des flash-back en noir et blanc perturbants (qui sont peut-être les seules faiblesses de ce film), la teneur esthétique générale maintient l’éblouissement du spectateur de bout en bout. De fait, en permanence résonne en nous la phrase de Vincent Van Gogh comme une sacro-sainte vérité : « On ne peut s’exprimer que par nos tableaux ».