Esseulée et diminuée à Paris, Martha appelle à l’aide sa nièce Fiona, une grande duduche canadienne. Cette dernière accourt dès lors, sac au dos rouge avec fanion et feuille d’érable apparents, mais se perd immédiatement dans la grande cité. Puis elle croise Dom, un SDF transi d’amour pour elle. En parallèle, Martha se retrouve à la rue. Dès lors, un chassé-croisé démesuré peut commencer.
Les auteurs, Fiona Gordon et Dominique Abel, trimbalent leur galaxie azimutée depuis vingt-cinq ans. Leur burlesque est celui de situations qui prennent le pas sur les mots, en cela proche des facéties de Jacques Tati et de l’esprit bravache des Deschiens. Avec liberté, ils investissent ici pleinement un quartier de Paris qui rassemble plusieurs sociotypes déclinés de manière naïve : les serveurs d’un restaurant d’une péniche, des touristes, des sans-abri, l’ensemble à l’image d’un vrai personnage récurrent qui influence le récit. Concentrés sur leurs rôles, les réalisateurs-acteurs déclinent une palette de maladresses avec la conviction inébranlable que la gaucherie, la balourdise, la gaffe est le symptôme premier de l’être humain (Pierre Richard, qui fait une petite apparition dans le film, en est l’emblème illustre). Cette dynamique incontrôlable, communicative et inhérente à tout le film, nourrit un jeu de balancier permanent qui vise à évaluer les limites, comme le font les enfants, entre la pudeur et l’impudeur. En témoignent Fiona, aussi repoussante que touchante en larmes et avec le nez qui coule, le discours d’enterrement de Dom, hilarant et indécent, les ébats amoureux de Martha sous tente (Emmanuelle Riva, dont c’est ici la dernière prestation) à faire bondir le bourgeois. Il n’en demeure pas moins qu’au final, une tendresse décalée et une certaine tristesse affleurent du propos, tel un contrecoup mélancolique à toutes les gesticulations. Naît alors une apaisante poésie.