

Anora, reine des Oscars 2025
Anora sacrée, Emilia Pérez dépitée, de jeunes artistes récompensés : retour sur les gagnants et les perdants de cette 97e cérémonie des Oscars.
Comment se porte le cinéma américain ? Si on en croit la moisson de récompenses majeures récoltées par Anora (cinq statuettes, dont celle du meilleur film, pour six nominations), on pourrait dire que le cinéma indépendant distribué en salle se porte bien. Pourtant, le film de Sean Baker, dont le résultat au box-office américain est le plus faible depuis celui de Démineurs (meilleur film en 2010 et lui-même considéré comme une anomalie à l’époque), ressemble plus à une exception qu’à la norme. Anora, tout comme The Brutalist (récompensé de l’Oscar du meilleur acteur pour Adrien Brody et de deux Oscars techniques), pourrait être rangé dans la catégorie « cinéma du milieu », pour reprendre l’expression de Pascal Ferran. Cinéma que l’on retrouve plus souvent sur les plates-formes qu’en salle : les grands studios, et même les distributeurs indépendants rechignant à prendre des risques sur ce genre de films.
Ces grands studios ou leurs filiales avaient également envoyé leurs poulains, mais ceux-ci ont été maigrement récompensés : deux Oscars techniques pour la deuxième partie de Dune tout comme pour la première partie de Wicked, un pour Conclave, un aussi pour A Real Pain et rien du tout pour Un parfait inconnu, un temps considéré comme un des favoris de cette édition.
Autre déception, mais celle-ci un peu attendue au regard des polémiques qui ont émaillé la campagne du film, celle de l’équipe d’Emilia Pérez. Si Zoe Saldaña est bien repartie avec un Oscar du meilleur second rôle, Jacques Audiard, nommé quatre fois, reçoit seulement une statuette, pour la meilleure chanson, partagée avec Camille et Clément Ducol. Déception probable également pour l’équipe de The Substance, qui repart uniquement auréolé du prix des meilleurs maquillages quand les pronostiqueurs lui promettaient un peu plus.
Au-delà des stratégies de producteurs et de distributeurs, on pourra constater que cette année, l’Académie a collectivement fait le choix de la jeunesse, offrant ses récompenses majeures à des artistes tout au plus âgés d’une cinquantaine d’années, formant comme une sorte de pari sur l’avenir, d’autant que la plupart d’entre eux étaient récompensés pour la première fois.
On peut aussi se réjouir de la juste récompense accordée au poétique Flow, troisième film non américain (après deux signés Hayao Miyazaki) désigné meilleur film d’animation, un Oscar décerné depuis seulement vingt-cinq ans.
Sur le front du cinéma documentaire, le nécessaire No Other Land est reparti avec un Oscar qui devrait lui offrir un peu plus de visibilité, même si on peut regretter que l’ambitieux et audacieux Soundtrack to a Coup d’État (visionnable ici) soit reparti bredouille.