Onoda

Voyage au bout de la folie

Pour son second long-métrage après Diamant noir, le cinéaste prodige Arthur Harari change de pays et de genre pour nous emporter à nouveau dans une aventure intérieure démente.

À travers ce drame inspiré de l’histoire vraie d’un soldat japonais,
Onoda, qui ignore que la guerre est finie et continue à mener ses
soldats dans la jungle, le réalisateur explore une géographie
nouvelle, celle du Japon, de ses forêts, de ses cabanes. La nature,
ses eaux, ses pluies, son vent, existent vraiment dans une mise en
scène qui favorise notre immersion. Le dépaysement est garanti, bercé
par une langueur contemplative. Jouant sur les ellipses, ces dix mille
nuits passées sont relatées avec réalisme, mais aussi avec la distance
du narrateur. Loin d’une expédition baroque à la Werner Herzog
(Aguirre), auquel on peut penser, il s’agit ici d’une avancée
méticuleuse et sereine dans la psyché de son personnage (aux antipodes
du personnage colérique incarné par Klaus Kinski).

Effectivement, ce voyage géographique est aussi mental. Le film
devient l’étude d’un personnage obsessionnel, qu’on regarde doucement
dériver comme un radeau. Cette âme humaine en errance confère au film
une portée universelle. D’ailleurs, le réalisateur ne se préoccupe pas
tant de l’histoire japonaise que d’exposer des enjeux humains. Il est
question du rapport entre maître et élève, des limites d’un
commandement aveugle. Là-dessus Harari rejoint ses obsessions de
toujours, avec la figure d’un père absent et la quête d’une autorité
paternelle de substitution. Onoda en devient émouvant, loin du
bourreau sanguinaire. La mise en scène est à son service pour
provoquer cette empathie. Proche de ses regards, de sa solitude, la
caméra capte ses gestes avec précision. On l’observe avec fascination.
Yûya Endô et Kanji Tsuda l’incarnent (jeune, puis adulte) avec majesté.

 

Onoda d’Arthur Harari. Copyright Bathysphere.

Effectivement, ce voyage géographique est aussi mental. Le film
devient l’étude d’un personnage obsessionnel, qu’on regarde doucement
dériver comme un radeau. Cette âme humaine en errance confère au film
une portée universelle. D’ailleurs, le réalisateur ne se préoccupe pas
tant de l’histoire japonaise que d’exposer des enjeux humains. Il est
question du rapport entre maître et élève, des limites d’un
commandement aveugle. Là-dessus Harari rejoint ses obsessions de
toujours, avec la figure d’un père absent et la quête d’une autorité
paternelle de substitution. Onoda en devient émouvant, loin du
bourreau sanguinaire. La mise en scène est à son service pour
provoquer cette empathie. Proche de ses regards, de sa solitude, la
caméra capte ses gestes avec précision. On l’observe avec fascination.
Yûya Endô et Kanji Tsuda l’incarnent (jeune, puis adulte) avec majesté.

Enfin, le voyage que propose le film est aussi une exploration de la
cinéphilie du réalisateur. Ce récit lui permet de satisfaire sa soif
de film d’aventure et de western, avec un navigateur solitaire et des
affrontements. Il cite autant les Japonais Mizoguchi et Kurosawa que
Renoir, Walsh, Fuller ou Leone dans ses références. Cet imaginaire est
rare au sein du jeune cinéma français. Le dépaysement provoqué par le
film se situe également là. Il est tellement épatant d’assister à
l’audace de ce réalisateur qui explore les voies d’un cinéma différent, tout en parvenant à se mesurer à ses modèles avec une belle maturité. À travers l’histoire d’un soldat qui ne veut pas capituler, dont la persévérance dans la
fiction se confronte au réel, il questionne l’héroïsme du personnage
et illustre le danger des mythes. Et surtout, son film a la beauté de
son Diamant noir, nourrie d’enjeux non totalement élucidés, de cette
opacité qui fait le sel des grandes légendes.