On va tout péter

Une humanité demeure

Documentaire immersif au coeur d’une lutte sociale, où les images d’un cinéaste observateur font naître une véritable œuvre de cinéma.

 

 

Le Polonais Lech Kowalski est un documentariste réputé pour son traitement des marginaux, que ce soit à travers la toxicomanie (Story of a Junkie, 1985), le punk avec une tournée des Sex Pistols (D.O.A, 1981), le milieu du porno (Sex Stars, 1976), ou encore les sans-abri avec Rock Soup (1991). Avec ce nouveau documentaire (présenté à la Quinzaine des Réalisateurs 2019), son intérêt pour le combat ouvrier français participe de cette même exploration de l’exclusion sous toutes ses formes.

Le cinéaste pose ainsi sa caméra dans la Creuse à l’été 2017 (avant le mouvement des gilets jaunes donc), au cœur d’une révolte sociale (celle des ouvriers de l’équipementier automobile GM&S menacé par une liquidation judiciaire), pour une œuvre immersive captant de l’intérieur le pouls d’une lutte avec toutes ses agitations et contradictions. À rebours de la fiction de Stéphane Brizé (En guerre), et en alternative des journaux télévisés, il enregistre un mouvement dans toute sa dimension collective, sans jamais chercher un héros ni un porte parole. S’il est militant, c’est par le choix de son sujet, éminemment politique, mais jamais dans la volonté d’être didactique ni interventionniste.

En simple observateur, il livre des images brutes qui font naître pourtant une véritable œuvre de cinéma, car chargées d’un suspense, de tensions, de trahisons, d’énergies produisant leur propre dramaturgie. Kowalski n’est pas du côté de la souffrance, évitant tout pathos ou dolorisme, il est du côté du chaos, évitant à tout prix le manichéisme. Et une émotion parvient à émerger dans des moments insolites de complicité, où la solidarité entre les hommes s’exprime (par exemple lorsqu’un policier et un ouvrier parlent de leur loisir préféré, la pêche, juste après une confrontation). Au centre de la dureté et de la solitude, une humanité demeure.