Pascal Elbé, en tandem avec Sandrine Kiberlain, donne une résonance émotionnelle à sa malentendance, dans une comédie romantique charmante.
Pascal Elbé rend visible l’invisible : sa malentendance ne se voit pas, elle ne se perçoit pas. On l’ignorait jusqu’à sa révélation dans l’autobiographique On est fait pour s’entendre, sa troisième réalisation après Tête de turc (2010) et Je compte sur vous (2015).
Pascal Elbé aurait pu se livrer à un vacarme de tous les diables sur le sens perdu, en tout cas affaibli, de son ouïe – il ne souffre pas d’une surdité totale, et ses problèmes d’audition ont fait l’objet d’un diagnostic tardif. Il aurait pu, possiblement, amplifier par un cinéma-vérité en mode dramatique l’écho de cette perte d’ouïe menacée de se doubler d’une souffrance sociale par l’éloignement de la rumeur du monde.
S’il n’en élude pas les effets d’isolement, d’angoisse, et les aléas dans les échanges (même appareillé, c’est compliqué dans un fort environnement sonore), Pascal Elbé traite son atteinte auditive de manière feutrée. Et avec un humour discret qui congédie tout apitoiement déchirant, tire-larmes. L’affaiblissement de la faculté de percevoir les sons n’est pas une infirmité, ni une mise à l’écart de la vie normale : il ne l’envisage pas comme une déficience traumatisante, pas plus comme une différence excluante, mais juste comme un fait biologique. Elle fait partie de lui et il fait avec.
Pascal Elbé ne se plaint pas. Son truc à lui, ce n’est pas le repli sur soi, c’est l’altérité. S’il rend palpable un sentiment de déconnexion du monde, au fil de scènes de voisinage, de la vie amoureuse et de la vie professionnelle, une comédie romantique sympathique se joue et passe au premier plan : on croit fort au couple qu’il forme à l’écran avec Sandrine Kiberlain, d’une belle sensibilité. Ils ont de quoi séduire.
On est fait pour s’entendre ne prend pas le même parti immersif que Sound of Metal (2021) de Darius Marder, Oscar du Meilleur montage et du Meilleur son, travaillé de manière sensorielle, connecté à la perception auditive de son héros devenu sourd. Mais son charme doux et apaisant opère tout autant, plein des émotions justes et sincères de Pascal Elbé et de ses comédiens. On a l’oreille pour ça : la tendresse et le partage. S’entendre, c’est se faire du bien.
Jo Fishley