Nos Cérémonies de Simon Rieth

Mise à mort du frère sacré

Projeté à la Semaine de la Critique 2022, Nos Cérémonies ausculte une relation fraternelle magnétique lors d’un été aux allures de conte fantastique.

Une simple recherche sur Internet suffit pour découvrir une vidéo de 2019 dans laquelle Raymond et Simon Baur, les deux acteurs principaux de Nos Cérémonies, s’adonnent au Wushu, un art martial chinois. En un peu moins de deux minutes, les frères réalisent une chorégraphie impressionnante mettant en scène la mort de l’un par l’autre. Une véritable prouesse technique, dont la vision, avant ou après avoir découvert le film de Simon Rieth, offre une mise en abyme assez vertigineuse. Ces rituels sont au cœur de ce premier long-métrage, où Tony (Simon Baur) n’a de cesse de mourir pour mieux ressusciter, plus puissant, plus vivant. Un secret partagé avec son frère, Noé (Raymond Baur), qui se fait le bourreau de ces sacrifices cathartiques. Ces scènes saisissantes, toujours filmées en plan large et sans montage, ponctuent le film en se dévoilant au fur et à mesure que l’intrigue avance. Le spectateur devient doucement le témoin de ces moments surréalistes et plonge dans le cœur de cette relation fraternelle. 

Nos Cérémonies de Simon Rieth. Copyright The Jokers Films.

Les deux frères fascinent par leur beauté évidente et la complicité qui se dégage à l’écran. Au cours de plusieurs plans-séquences, la caméra ausculte les corps, leur façon de se déplacer, de désirer, et parvient à rendre matérielle et sensible une relation pourtant impalpable. Ce travail sur la texture des images, s’il se fait sur les corps, s’opère aussi sur les paysages. L’intrigue se déroule dans un seul lieu, une maison et ses alentours, près de Royan, dans laquelle les personnages – et le réalisateur – ont passé une partie de leur enfance. La cheffe-opératrice Marine Atlan joue avec le contraste et la saturation des couleurs. L’océan n’a jamais été aussi bleu que dans Nos Cérémonies et la forêt a parfois des airs de jungle luxuriante. En poussant au maximum les curseurs de la réalité, le film peut se rapprocher du jeu vidéo, dans son imagerie et dans son intrigue, puisque, quand on meurt, on recommence.

Au-delà de l’aspect fantastique, c’est bien ce rapport fusionnel entre Tony et Noé qui est au centre de Nos Cérémonies. Amour, dépendance, compétition, jalousie, Simon Rieth en  dissèque toute la complexité en évacuant les adultes du cadre pour mieux se concentrer sur ses personnages livrés à eux-mêmes. Quand Cassandre, l’amie de jeunesse, revient dans leur vie, l’équilibre change et amène chacun à s’interroger sur son rapport à l’autre. L’enfance des personnages est aussi évoquée lors de quelques scènes, créant comme un récit mythologique originel, dont le film s’amuse à rejouer méticuleusement chaque plan. Cette idée apporte une certaine densité à l’histoire et permet à Nos Cérémonies de dépasser le teen movie ou la chronique d’été. 

 

À écouter aussi, l'interview minutée de Simon Rieth par Jenny Ulrich