C’est une histoire véritable. Celle de Paul Grappe, déserteur de l’armée française, et de sa femme, Louise, qui, pour le cacher, le travestit en femme. À mesure que le subterfuge opère, Paul se transformera progressivement en Suzanne et prendra goût à cette liberté retrouvée. Le scénario d’André Téchiné et Cédric Anger s’attache à ce personnage fascinant, happé par le vertige que provoque sa transformation. C’est que Suzanne imposera pas à pas sa présence, celle d’une chimère tenace, symbole d’un appétit de vie accentué par le contexte de destruction alentour.
André Téchiné fait corps avec ses personnages : tout, des voix, des peaux et des matières qui les revêtent (beau travail de costumes signé Katia Wyszkop), prend à l’image et au son un formidable relief. L’économie modeste du projet n’autorise pas les séquences de combat et se concentre sur l’intime. La guerre, c’est ici celle que se livrent des émotions contradictoires et de ce conflit-là sourd une insondable violence et une grande sensualité.
Dans les rôles de Paul et de Louise, Pierre Deladonchamps et Céline Sallette apportent une énergie considérable. On croit à leur amour véritable et à leur élan vital. La narration virevolte du présent au passé, aller et retour, dans un judicieux jeu d’ellipses porté par un montage tonique signé Albertine Lastera. Nos années folles est un film vibrant.