En entrelaçant de façon ludique prises de vues réelles et images animées pour représenter une grossesse non désirée, Ninjababy séduit l’œil, à défaut de l’enchanter complètement.
Certaines comparaisons artistiques ont le mérite d’attester de l’évolution de la société. Tandis qu’en 2008, Juno (Jason Reitman) mettait en scène la grossesse accidentelle d’une Américaine de seize ans, suivie de sa recherche de futurs parents adoptifs, Ninjababy transpose quatorze ans plus tard une situation similaire auprès d’une jeune adulte. L’idée est judicieuse, tant elle reflète l’air du temps. Aujourd’hui, la précarité financière touche de plus en plus les diplômés. Les préoccupations initialement relatives à l’adolescence (difficultés à se projeter dans l’avenir et à accéder à l’autonomie économique, volonté de conserver sa liberté et de réaliser ses rêves de jeunesse) perdurent au fil des décennies. Autant de raisons menant Rakel (attachante Kristine Kujath Thorp) au désœuvrement lorsqu’elle se découvre enceinte de six mois et demi. À ce stade, l’avortement n’est plus envisageable.
À partir d’un sujet au potentiel tragique, Yngvild Sve Flikke réalise un vaudeville moderne aux rebondissements tendres. Malgré une fin en demi-teinte, l’écriture du scénario est agréablement soignée, empreinte d’un humour vif et caustique mettant à distance la complexité des états d’âme des protagonistes. Même si le montage dynamique sied au genre cinématographique, quelques apparitions furtives d’images animées laissent perplexe. Par-delà la beauté symbolique de gouttes d’eau envahissant le cadre pour souligner la tristesse qui engloutit Rakel, d’autres dessins tels que des gribouillis sur des visages s’apparentent davantage au gadget visuel.
Comédie norvégienne savoureuse, Ninjababy dépeint avec empathie une génération apeurée à l’idée de se responsabiliser autant qu’elle respecte le désir des femmes ne voulant pas d’enfant.