My Sunshine confirme la maîtrise d’un jeune cinéaste venu du Japon. Hiroshi Okuyama réussit une discrète et envoûtante chronique, qui allie chaleur humaine et mélancolie de l’hiver. Et témoigne aussi des destins confrontés à leurs rêves et à la réalité du monde.
Second long-métrage du réalisateur japonais Hiroshi Okuyama après Jésus (2019), récit d’apprentissage aux forts accents autobiographiques, My Sunshine brille par son charme et sa délicatesse. La pudeur mène la danse dans ce trio hivernal sur l’île nippone d’Hokkaido. C’est l’histoire de trois personnages qui se rencontrent et allient leur solitude, au moment où le paysage se recouvre de neige. C’est à nouveau une narration de Coming of Age, lointainement inspirée de la jeunesse du réalisateur, quand il tentait le patinage, où sa grande sœur visait un parcours d’athlète. La trame émouvante du film naît des projections de chaque protagoniste sur un.e autre. Le héros Takuya a une révélation en voyant la jeune Sakura patiner et veut faire comme elle. Celle-ci est secrètement énamourée de son entraîneur Arakawa. Et celui-ci se revoit progressivement plus jeune dans le premier. Les intérêts et troubles sont divers et se complètent.
C’est dans ce tricotage des destins que l’auteur tire son épingle du jeu. Assurant l’écriture, la mise en scène, la direction de la photographie et le montage, il articule une intrigue précise mais sans esbroufe ni maniaquerie. Son sens du cadrage en format carré célèbre les nappes de ouate blanche autant que les silhouettes qui s’entraînent et glissent sur la glace. Tout un art du chromo sans vieillerie et de la vignette sans l’ampleur du Scope, pour rester à hauteur modeste des êtres qu’il croque à l’écran. Le subtil équilibre triangulaire fonctionne, mais s’avère humainement fragile, autant que la neige vouée à fondre. Dans un état de grâce suspendu, l’harmonie perce à force de complicité des personnages et d’accompagnement formel. Les rayons de soleil réchauffent dans la patinoire impersonnelle. Les notes de musique enveloppent l’oreille, d’accords classiques en mélodies nées du duo japonais Humbert Humbert.
Sous couvert de douceur ambiante, le cinéaste raconte l’injonction sociétale, la résignation et l’homophobie ordinaire, dans un monde où la force apparente l’emporte sur la vulnérabilité, et le hockey sur le patinage. Que fait-on de ses désirs et de ses rêves ? Jusqu’où peut-on les vivre et les assumer ? La tendresse et la mélancolie se donnent la main dans ce jeu de regards. La retenue et la frontalité aussi, dans un puzzle existentiel qui avance par touches, sans explication psychologisante ni lourdeur de sens. Grâce enfin à deux jeunes novices, Keitatsu Koshiyama et Kiara Nakanishi, qui allient aisance sur patins comme dans le jeu des émotions. Face au binôme adolescent, Sosuke Ikematsu confirme sa finesse d’expression, après ses seconds rôles chez Hirokazu Kore-eda (Après la tempête et Une affaire de famille) et Koji Fukada (L’Infirmière). Cette chronique au pays du soleil levant touche au cœur de Noël, après avoir débuté au printemps à Un Certain Regard à Cannes. Elle gagne à trouver sa place au milieu du pimpant et du bruit, comme un ami qui veut du bien.